Ben Carson n'en démord pas: durant sa jeunesse à Detroit, il a failli tuer un proche avec un couteau, fendu le front d'un camarade de classe avec un cadenas, brisé les lunettes d'un autre avec une pierre et menacé de frapper sa mère avec un marteau.

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Le neurochirurgien à la retraite est un cas unique dans l'histoire politique des États-Unis. Pour se faire élire à la Maison-Blanche, il doit aujourd'hui jurer avoir commis une tentative de meurtre et nier avoir été un adolescent doux et docile, portrait qu'ont tracé de lui neuf de ses contemporains dans un reportage diffusé jeudi dernier sur CNN.

Ben Carson serait-il un fabulateur? Une chose est certaine: depuis que le candidat à l'investiture républicaine a éclipsé Donald Trump à la tête de certains sondages, les médias américains ont commencé à fouiller ses écrits et ses discours. Et ils ont remis en question l'exactitude ou la véracité de certaines de ses histoires les plus extraordinaires.

Le «miracle»

La tentative de meurtre est sans doute la plus importante. Ben Carson a raconté l'histoire dans des livres, des conférences et des rassemblements politiques: à 14 ans, il a tenté de poignarder un ami qui l'avait mis en colère en changeant le poste d'une radio. Heureusement pour cet ami, prénommé Bob dans Gifted Hands, un des livres de Carson publié en 1990 et porté au petit écran en 2009, la lame de couteau s'est cassée sur la boucle métallique de sa ceinture.

Selon ce récit, après la tentative de meurtre, Carson s'est enfermé avec la Bible pendant deux heures dans la salle de bains de sa maison. Et il est tombé sur ce passage du livre des Proverbes: «Celui qui est lent à la colère vaut mieux qu'un héros, Et celui qui est maître de lui-même, que celui qui prend des villes.»

«J'avais l'impression que ces versets avaient été écrits pour moi», a écrit Carson dans Gifted Hands, en attribuant à l'intervention de Dieu le «miracle» de sa transformation soudaine et de sa capacité subséquente à contrôler une colère «pathologique».

À n'en point douter, le parcours de Ben Carson est remarquable en soi. Élevé par une mère analphabète dans un quartier pauvre de Detroit, il est devenu l'un des plus brillants neurochirurgiens de sa génération. Mais l'histoire de sa rédemption contribue aussi grandement à la popularité de cet adventiste auprès de l'électorat républicain, et notamment des chrétiens évangéliques.

Carson a qualifié de «ramassis de balivernes» le reportage de CNN, tout en admettant que la victime de sa tentative de meurtre n'était pas un ami prénommé Bob mais un «proche parent» qui tient à rester dans l'anonymat.

Les médias en quête de vérité

Le lendemain du reportage de CNN, le journal Politico a mis en doute un autre moment charnière de la vie de Ben Carson, survenu alors qu'il avait 17 ans. Contrairement à ce qu'il a écrit et répété à maintes reprises, le néophyte politique, aujourd'hui âgé de 64 ans, n'a pas dîné à Detroit en compagnie du célèbre général William Westmoreland lors du Memorial Day de 1969 et ne s'est pas vu offrir par la suite une bourse pour étudier à la prestigieuse académie militaire de West Point.

Emboîtant le pas de CNN et Politico, le Wall Street Journal a également examiné, la semaine dernière, la véracité de deux autres épisodes de la vie de Ben Carson. Dans l'un d'eux, raconté dans Gifted Hands, Carson dit avoir été le seul à compléter avec succès une expérience conçue par un professeur de psychologie pour vérifier l'honnêteté de quelque 150 étudiants de l'Université Yale inscrits au cours Perceptions 301. À l'issue de l'expérience, Carson dit avoir été photographié avec son professeur par le Yale Daily News.

Or, selon le Journal, Yale n'offrait pas de cours appelé Perceptions 301 à l'époque où Carson fréquentait cette université et le Yale Daily News n'a jamais publié de photo de lui au cours de la même période.

Le Journal et d'autres médias, dont le New York Times, ont noté la semaine dernière que certaines histoires de Ben Carson étaient difficilement vérifiables. Après la fusillade récente en Oregon, par exemple, le médecin retraité s'est souvenu lors d'une interview d'un hold-up perpétré dans les années 80 dans un restaurant Popeye situé près de l'hôpital Johns Hopkins, à Baltimore, et au cours duquel le voleur lui a enfoncé un revolver dans les côtes. Carson lui aurait dit: «Je pense que tu veux le gars derrière le comptoir.»

La police de Baltimore a été incapable de confirmer qu'un hold-up a eu lieu dans ce restaurant à la même époque.

«J'ai toujours dit que je m'attendais à être examiné de près», a déclaré Ben Carson hier lors d'une interview à la chaîne NBC. «Mais être examiné de près, et ce qui m'arrive, je n'ai pas vu cela avec aucune autre personne.»