Personne - ou presque - n'a remarqué son absence mardi à Las Vegas lors du premier débat démocrate. Face à une Hillary Clinton en pleine confiance, la marge de manoeuvre du vice-président Joe Biden, qui hésite à se lancer dans la course à la Maison-Blanche, apparait désormais limitée.

Trente-six années au Sénat, sept à la vice-présidence, un large sourire, une dignité dans l'adversité qui force l'admiration : Joe Biden, 72 ans, est un vieux routier du paysage politique américain qui a déjà tenté, à deux reprises (1988 et 2008) de briguer la nomination démocrate.

Si nombre d'Américains voient en lui un homme sympathique et chaleureux, ce spécialiste des affaires étrangères, connu aussi pour ses mémorables gaffes, n'a cependant jamais réussi à sortir en tête de la mêlée démocrate et à convaincre les Américains qu'il avait la stature d'un président.

Les drames personnels qu'il a traversés - sa première femme et sa fille sont mortes dans un accident de voiture en 1972; son fils aîné est décédé d'un cancer en mai - ont façonné cet homme. Ses douleurs et ses doutes, qu'il n'hésite pas à partager, font partie intégrante de son parcours politique.

Depuis près de deux mois, il souffle le chaud et le froid sur ses intentions. Son entourage distille, sous couvert d'anonymat, quelques confidences sur son état d'esprit et évoque une série de dates butoirs - une décision «avant la fin de l'été» avait d'abord été évoquée - qui tombent une à une. Le flou sur le calendrier domine désormais.

La chaîne CNN, organisatrice du premier débat de mardi, avait soigneusement mis en scène son absence, présentant le podium qu'elle avait préparé pour lui dans l'hypothèse où il déciderait à la dernière minute de sauter dans Air Force Two (l'avion du vice-président) et de rejoindre Las Vegas sous les hourras de ses partisans.

Sans surprise, l'arrivée spectaculaire n'a pas eu lieu. Joe Biden a regardé le débat à la télévision. Mais, rude constat pour ce fin connaisseur des joutes électorales, son absence n'a pas créé un vide, tant s'en faut.

Or la logique d'une éventuelle candidature du vice-président repose, dans une large mesure, sur l'idée qu'il serait le recours le plus crédible en cas d'un effondrement d'«Hillary».

«Honnête et digne de confiance»

La controverse sur les courriels de l'ancienne première dame - utilisation d'un serveur et d'une adresse privés lorsqu'elle était à la tête de la diplomatie américaine (2009-2013) - a un temps laissé penser qu'un «plan B» était indispensable pour les démocrates.

Mais de récents sondages plutôt rassurants pour la candidate et sa prestation de mardi ont fait évoluer la donne.

Sûre d'elle, très bien préparée, Hillary Clinton a rappelé à ses rivaux démocrates comme à ses adversaires républicains qu'il faut compter avec elle et que, huit ans après son échec lors de la primaire face à Barack Obama, sa détermination à devenir la première femme présidente des États-Unis n'était en rien entamée.

Le cri du coeur de son principal rival Bernie Sanders, qui a jugé, sous les applaudissements que les Américains en avaient ras le bol d'entendre parler de ces «foutus courriels», pourrait aussi lui donner un coup de pouce salutaire.

S'il renonce finalement à se lancer une troisième fois dans la course à la présidence, Joe Biden pourra se consoler en se disant que lorsqu'il quittera la vice-présidence en janvier 2017, il laissera derrière lui une image d'homme intègre.

Un récent sondage Quinnipiac University réalisé dans les trois Etats-clés que sont la Floride, l'Ohio et la Pennsylvanie, le plaçait en tête face à tous les candidats déclarés - et très loin devant Hillary Clinton - lorsque les Américains étaient appelés à dire s'ils jugeaient tel ou tel «honnête et digne de confiance».

En prononçant, fin mai, l'éloge funèbre de son fils Beau Biden, Barack Obama, exprimait, à sa manière, ce sentiment.

Après avoir évoqué, la voix brisée, la fin tragique de «Beau», il rendait un hommage appuyé, dans une tonalité rare chez lui, à son vice-président. «Joe, tu es mon frère. Chaque jour, je suis admiratif de ton grand coeur, de ta grandeur d'âme et de tes épaules si larges».