Barack Obama et le pape François ont affiché mercredi leur complicité lors d'une visite historique à la Maison-Blanche du souverain pontife, autorité morale, mais aussi allié politique de taille pour le 44e président des États-Unis.

En accueillant le pape dans les jardins de la Maison-Blanche devant plusieurs milliers de personnes, le président Obama a salué son rôle crucial dans le rapprochement engagé entre les États-Unis et Cuba, mais aussi dans la mobilisation internationale pour lutter contre le réchauffement climatique.

M. Obama, qui ne cache pas son admiration pour ce jésuite argentin, dont il a loué la clairvoyance et l'humilité, compte sur son soutien pour ces deux chantiers-clés - Cuba et le climat - à moins de 500 jours de la fin de son second mandat à la présidence des États-Unis.

Dans un discours prononcé sous un ciel bleu, sur les pelouses de la Maison-Blanche, M. Obama a rendu hommage au «message d'espoir» porté par le premier pape argentin de l'histoire, «source d'inspiration pour tant de gens à travers le monde».

«Comme fils d'une famille d'immigrés, je suis heureux d'être un hôte en ce pays, qui a été en grande partie bâti par de semblables familles», lui a répondu le pape dans son discours en anglais, en allusion à la controverse politique sur l'immigration hispanique aux États-Unis.

Quant à la lutte contre le réchauffement climatique, priorité de l'administration Obama, François a également insisté sur l'urgence d'un combat «qui ne peut être laissé à la génération future».

Sur la scène internationale, «nous vous remercions pour (...) votre appel aux nations à résister aux sirènes de la guerre et à résoudre les différends par la voie diplomatique», a lancé M. Obama.

Évoquant le «soutien précieux» du souverain pontife dans le rapprochement historique engagé depuis fin 2014 entre Washington et La Havane, le président a souligné qu'il était porteur d'une «meilleure vie pour le peuple cubain».

La capitale fédérale américaine - happée depuis des mois déjà par les joutes de la présidentielle 2016 - n'a plus d'yeux ces jours-ci que pour ce pape, le premier venant des Amériques, au ton singulier, qui entame une visite de six jours aux États-Unis.

C'est la première fois de sa vie que Jorge Bergoglio est aux États-Unis.

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Foule immense 

Une foule immense - quelque 11 000 invités - était présente sur les pelouses de la Maison-Blanche pour accueillir, en grande pompe, «l'homme le plus populaire dans le monde aujourd'hui», selon les termes du vice-président Joe Biden.

Dès 5 h, le métro de Washington était bondé.

«C'est l'occasion d'une vie», s'est exclamée Katherine Gorman, 47 ans, qui s'est levée à 2 h avec sa fille et ses deux petites-filles dans l'espoir d'apercevoir le pape.

M. Obama et François se sont retrouvés ensuite dans le Bureau ovale pour leur deuxième tête-à-tête, après celui du printemps 2014 au Vatican.

En papamobile

La pape est ensuite sorti de l'enceinte de la Maison Blanche pour circuler dans les rues de Washington à bord de sa papamobile, acclamé par des milliers de personnes.

Le souverain pontife se tenait debout, souriant et saluant la foule réjouie, sur la plateforme surmontée d'un toit transparent de la papamobile, une Jeep Wrangler blanche fabriquée aux États-Unis par le constructeur automobile italo-américain Fiat Chrysler.

Il s'agit seulement de la troisième visite d'un pape à la Maison-Blanche : Jimmy Carter avait reçu Jean-Paul II en 1979 et George W. Bush avait accueilli Benoît XVI en 2008.

Fait rare, M. Obama, qui est de confession protestante, a accueilli lui-même mardi sur une base militaire le pape argentin, qui se déplace à Washington dans une Fiat 500 qui fait sensation.

La Maison-Blanche assure que cette visite n'a aucune visée politique : «l'objectif de cette rencontre est de donner aux deux hommes l'occasion d'échanger sur leurs valeurs communes», a affirmé le porte-parole de M. Obama, Josh Earnest.

Reste que - politiquement - cette visite papale tombe à pic.

Lorsqu'il s'exprimera jeudi devant le Congrès, une première dans l'histoire des États-Unis, François devrait aussi plaider pour le rapprochement américano-cubain et pour le climat.

Deux sujets sur lesquels nombre d'adversaires républicains de M. Obama ne décolèrent pas.

Les prises de position du souverain pontife lui valent aussi de très vives inimitiés chez les conservateurs et dans les milieux économiques libéraux. Le fait qu'il arrive tout juste de Cuba, où il a évité de critiquer le président Raúl Castro, ne fait qu'irriter un peu plus ceux qui jugent que ce pape est un marxiste déguisé ou un traître à la foi catholique, qui serait trop souple sur la doctrine.

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Embargo contre Cuba

Dans l'avion qui l'emmenait à Washington mardi, le pape a promis de ne «pas mentionner» devant le Congrès la sensible question de la levée de l'embargo économique des États-Unis contre Cuba. «Le désir du Saint-Siège est qu'il y ait un accord satisfaisant pour les deux parties», a-t-il expliqué.

Cette fin de l'embargo est réclamée par la Maison-Blanche, mais la plupart des républicains s'y opposent.

Dans les jours qui suivent, le pape doit aussi rencontrer des immigrés, des sans-logis, des détenus.

Il doit également présider à New York une cérémonie oecuménique sur le site du World Trade Center, contre le terrorisme et pour le respect entre religions.

Une autre cérémonie à Philadelphie avec la communauté hispanique exaltera les valeurs fondatrices de l'Amérique comme la liberté religieuse.

À Philadelphie, il doit présider ce week-end la fin d'une rencontre mondiale des familles catholiques, en présence d'un million et demi de personnes.

Lors de sa rencontre au Vatican avec le pape, Barack Obama avait raconté avoir été touché par sa «compassion» à l'égard «des pauvres, des exclus, des oubliés».

Et lors d'un discours sur la lutte contre la pauvreté prononcé en décembre 2013, le président américain avait - fait rare - cité une «exhortation» publiée quelques semaines plus tôt par le souverain pontife.

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Fait rare, le président Obama, qui est de confession protestante, a accueilli lui-même, mardi sur le tarmac, le pape François qui foulait pour la première fois de sa vie le sol des États-Unis.

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Barack Obama et le pape François dans le Bureau ovale, le 23 septembre.