En refusant obstinément d'appliquer la nouvelle loi permettant le mariage gai aux États-Unis, Kim Davis, une simple fonctionnaire du Kentucky, est devenue l'égérie de millions d'Américains, mais la chrétienne évangélique a été condamnée jeudi à la prison.

«Ce tribunal ne peut accepter que l'on désobéisse volontairement à ses décisions légales», a martelé le juge David Bunning, en infligeant ce nouveau revers judiciaire à la greffière.

Encore tout récemment, très peu de gens en Amérique avaient entendu parler du comté de Rowan dans le Kentucky, État rural situé à la limite du Midwest et du Sud profond. Et encore moins de gens connaissaient l'existence de Mme Davis, la greffière du comté, qui avait assumé sans vagues, durant plus d'un quart de siècle, la routine de ses tâches administratives.

Ces derniers jours, la photographie de la femme de 49 ans, aux cheveux lui tombant jusqu'aux reins, n'a pourtant pas quitté la une de la presse nationale. Et Mme Davis a prouvé abriter une détermination de fer derrière son profil apparemment falot.

Cela, précisément depuis que la Cour suprême des États-Unis a légalisé fin juin le mariage des homosexuels dans tout le pays, une victoire emblématique pour le président Barack Obama.

Quelques heures seulement après cette décision historique, arrachée au terme de nombreuses années de débats passionnés, Kim Davis entrait en résistance.

Délivrer un certificat de mariage à des personnes de même sexe «violerait» mes convictions religieuses, a-t-elle assuré. Dans son esprit, l'échelle hiérarchique est simple: Dieu est au-dessus, Washington et ses lois humaines en-dessous.

La fonctionnaire, qui affectionne les amples jupes descendant jusqu'aux chevilles, est ainsi devenue un symbole de ce combat éternel aux États unis, opposant modernité et conservatisme, suprématie du droit et libertés religieuses.

«Aucune animosité» 

Confessant avoir «remis (sa) vie entre les mains de Jésus-Christ», Kim Davis affirme n'avoir «aucune animosité» envers les homosexuels et s'est ralliée de nombreux soutiens dans la galaxie des groupes religieux conservateurs américains.

«Pour moi, il ne s'agit pas d'un problème concernant les homosexuels ou les lesbiennes. Il s'agit du mariage et de la Parole de Dieu. Cela relève de la liberté de culte, protégée par le Premier amendement» de la Constitution, se défend-elle.

Au coeur de la tempête médiatique se trouvent aussi deux hommes, David Moore et David Ermold, qui s'étaient présentés cet été au bureau d'état civil du comté de Rowan, prêts à convoler en justes noces.

Le couple a pris soin d'enregistrer en vidéo le refus qu'ils se sont vu opposer par Kim Davis.

D'autres couples ont fait la même démarche, cette fois entourés d'une nuée de journalistes, essuyant de Mme Davis la même fin de non-recevoir.

«Nous ne délivrons pas de certificats de mariage aujourd'hui», affirme posément la rondelette greffière, dans une séquence consultable sur internet. «Au nom de quelle autorité?», lui demande alors quelqu'un. «Au nom de l'autorité de Dieu», répond-elle calmement.

MM. Moore et Ermold, avec un autre couple d'homosexuels et deux couples d'hétérosexuels, ont porté l'affaire devant la justice.

Tour à tour, un tribunal fédéral et une cour d'appel ont donné tort à Kim Davis. Elle a été déboutée lundi par la Cour suprême. Écrouée jeudi, elle restera en prison jusqu'à ce qu'elle accepte de se conformer à la loi.

Entre ses partisans et ses détracteurs, le débat survolté vole parfois bas. Les invectives ont fusé devant la cour du Kentucky qui l'a condamnée.

«Faites votre travail», lui lancent ses ennemis. «Tenez bon!», lui conjurent ses partisans, qui ont accouru de loin jusqu'à sa région des Appalaches où elle est un pilier de l'Apostolic Church, une église protestante locale.

La fonctionnaire s'est vu reprocher sa «bigoterie» et son «hypocrisie» par des gens qui ont disséqué sa vie conjugale mouvementée, marquée par trois divorces et quatre mariages.

Mais tout cela était avant qu'elle ne découvre la «grâce», il y a quatre ans, et qu'elle rejoigne les rangs des chrétiens évangéliques convertis, appelés ici «born again».

Kim Davis a reçu le soutien jeudi de plusieurs figures de la droite chrétienne conservatrice.

Le sort de Mme Davis «balaie les derniers doutes sur la criminalisation de la chrétienté dans ce pays», a estimé Mike Huckabee, un prétendant républicain à la Maison-Blanche en 2016.

«Aujourd'hui, pour la première fois dans l'Histoire, le gouvernement a placé en détention une femme chrétienne en raison de sa foi. C'est une faute. Ce n'est pas l'Amérique», a de son côté commenté le sénateur du Texas Ted Cruz, également aspirant à l'investiture républicaine pour 2016.