À cinq mois des primaires à la présidentielle américaine de 2016, la course vire au concours d'insultes dans le camp républicain, emmené par Donald Trump, qui étrille à tour de bras ses adversaires.

À en croire le bouillant milliardaire, l'ancien gouverneur de Floride Jeb Bush est un «désastre», tandis que l'ex-gouverneur du Texas Rick Perry devrait être «obligé de passer un test de QI» et que les responsables américains actuels sont «stupides».

Le magnat de l'immobilier, qui fait la course en tête dans les sondages, s'en prend aussi bien à ses 16 adversaires républicains qu'au Mexique, qui déverserait des flots de «violeurs» et de criminels à travers sa frontière avec les États-Unis.

Tout le monde en prend pour son grade : mardi, il a expulsé d'une conférence de presse - lors de laquelle il a multiplié les diatribes - un célèbre présentateur mexicano-américain, lui demandant de «rentrer chez Univision», premier réseau de chaînes hispaniques aux États-Unis.

Et dans cette course effrénée à celui qui fera le plus de bruit, les phrases-chocs sont devenues la marque de fabrique de cette entrée en campagne estivale.

Ainsi de Mike Huckabee, qui a estimé que l'accord sur le nucléaire iranien rapprochait les Israéliens de «la porte du four» ou de Ted Cruz, sénateur du Texas, pour qui le président Barack Obama soutient le terrorisme.

«Je pense que le manque de civilité de Donald Trump fait du mal au processus politique», estime le républicain Rocky Chavez.

«Nous devons débattre de problèmes importants. Abaisser le niveau en insultant les gens n'est pas bénéfique», a-t-il dit à l'AFP.

«Il n'y a jamais eu quelqu'un qui se moque de manière aussi flagrante de la civilité que Donald Trump» lors d'une élection, a renchéri Rita Kirk, directrice du centre Maguire pour l'éthique et la responsabilité publique à l'Université Southern Methodist.

Selon elle, le «fanfaron» Donald Trump, qui a présenté pendant 14 saisons l'émission à succès The Apprentice, fait de la politique comme il faisait de la télé-réalité.

Inquiète de cette escalade verbale, la commission nationale du Parti républicain a prévenu en juillet qu'elle «devait s'arrêter». Elle n'a fait qu'empirer.

Lutter contre un cochon

Les déclarations au vitriol font mouche chez les Américains «insatisfaits» du système politico-économique, explique Mme Kirk.

«Le Donald» sait jouer à fond la carte du candidat au franc-parler, loin du leadership traditionnel, mais ses remarques crues et parfois misogynes provoquent l'indignation.

Il «comprend le rôle de la compétition en Amérique», analyse pour l'AFP George Lakoff, professeur de linguistique à l'Université de Berkeley en Californie.

«Gagner montre de l'autorité et inspire le respect, une valeur capitale du conservatisme», ajoute-t-il.

En fustigeant ses adversaires, «(Donald) Trump dit : "Ne sois pas le mec sympa. Sois le gagnant, celui qui décide". C'est ce que veut la base électorale républicaine», pense M. Lakoff.

Peu de candidats, à l'instar du sénateur Marco Rubio, qui se pose au-dessus de la mêlée, résistent à la surenchère. «Si je commente tout ce qu'il dit, toute ma campagne va être consumée par cela», a dit ce dernier à la chaîne NBC. Mardi, Donald Trump l'a qualifié de «personne terrible» pour s'être portée candidat contre son ancien mentor Jeb Bush.

La plupart d'entre eux choisissent au contraire d'emboîter le pas de l'homme d'affaires omniprésent.

Le sénateur Lindsey Graham, par exemple, l'a traité de «parfait idiot».

Depuis son entrée fracassante dans la course à la Maison-Blanche, Donald Trump vise sans relâche l'un de ses adversaires républicains le plus sérieux : Jeb Bush.

Le fils et frère des anciens présidents Bush, interrogé une énième fois à propos du milliardaire, a encore botté en touche mercredi : «Est-ce qu'on doit vraiment parler de ce mec?»

Et il a raison, reprend Rocky Chavez. «Si vous vous battez contre un cochon, deux choses se produisent», lâche l'ancien combattant des Marines. «Vous vous salissez et le cochon prend son pied».