Le statu quo sur la question de l'accès facile aux armes à feu perdurera encore dans un avenir proche aux États-Unis, mais «très peu de choses durent toujours», explique en entrevue avec La Presse Paul M. Barrett, auteur du livre Glock - The Rise of America's Gun.

Q: Cette attaque survenue en Virginie montre avec quelle facilité il est possible de tuer aux États-Unis.

R: Tout à fait. Au moment où on se parle, nous ne savons pas encore comment le tueur a obtenu son arme, et nous n'avons pas de détails sur son passé, s'il avait un casier judiciaire, etc. Mais la vérité crue, c'est que ce type de crimes, commis par un individu qui est très déterminé à tuer des gens en public, dans une société où il y a tellement d'armes à feu entre les mains de citoyens, sera très difficile à prévenir en votant de nouvelles lois. L'énorme quantité d'armes fait en sorte que cela va se produire encore, malheureusement.

Q: Est-ce à dire qu'il n'y a rien à faire?

R: En théorie, il y a plusieurs choses que l'on pourrait faire. En théorie, on pourrait changer les lois pour imiter ce qui a été fait dans les pays semblables, comme le Canada, le Royaume-Uni ou l'Australie, et rendre la possession d'armes légales plus difficile. Et on pourrait envoyer les shérifs collecter les armes à feu. Je crois qu'il n'y a pas beaucoup de shérifs qui voudraient recevoir cette affectation...

Q: Après la tuerie de Sandy Hook, bien des États ont assoupli les règles entourant la possession d'armes à feu...

R: C'était un tableau mitigé. Au Connecticut, dans l'État de New York et ailleurs, des lois ont été adoptées afin d'appliquer des restrictions marginales qui rendaient légèrement plus difficile l'obtention de certains types d'armes à feu. Ce n'était rien de très extrême, par contre. Dans plusieurs autres États, les règles ont été changées pour rendre l'obtention plus facile. Sur le plan fédéral, nous avons eu un énorme débat politique, qui s'est soldé par une absence de changement. Là-dessus, le président a été abandonné même par des membres de son propre parti. L'activisme politique d'une minorité de personnes très motivées est suffisant pour bloquer tout changement important.

Q: Croyez-vous qu'un jour, les politiciens fédéraux réussiront à changer les lois?

R: Dans l'avenir immédiat, rien ne va changer. Les politiciens ne sont pas prêts à risquer de subir les foudres des militants proarmes. Est-ce que ce sera toujours le cas? Très peu de choses durent toujours. Actuellement, les gens considèrent que le taux d'homicides et que le taux de crimes violents baisse dans la société américaine depuis plusieurs années, et ils ont raison. Cela a changé le débat: oui, nous avons plus de violence que les autres pays comparables, mais cette violence est en diminution par rapport à ce qui prévalait il y a 25 ou 30 ans.

Q: Quels sont vos conseils pour les gens qui veulent réduire la violence par les armes à feu aux États-Unis?

R: Je leur dirais de se concentrer sur la question de l'accès aux armes à feu plutôt que sur l'idée de bannir certains types d'armes ou de munitions. Ce devrait être difficile pour les criminels ou pour les gens instables de posséder des armes, et c'est possible de faire du progrès avec ce cheval de bataille. Aussi, l'idée de faire des «progrès contre le crime» est plus vendeuse que de dénoncer «l'absurdité» des gens qui possèdent des armes, et de diaboliser la National Rifle Association (NRA). Et je mettrais aussi l'accent sur la santé mentale et l'importance pour les amis, la famille et les voisins des gens en détresse de voir à ce qu'ils n'aient plus accès à leurs armes, s'ils en ont. Ça doit être fait de façon beaucoup plus proactive que ce que l'on voit actuellement.