L'un est richissime, l'autre fustige les milliardaires, et tout les oppose : mais dans la course à la présidentielle américaine, le démocrate Bernie Sanders et le républicain Donald Trump ont réussi chacun à capitaliser sur le mécontentement des électeurs face aux hommes politiques traditionnels.

Ils sont actuellement en tête des sondages dans le New Hampshire, l'État qui traditionnellement ouvre le bal des élections primaires visant à désigner le candidat de chaque parti à la Maison-Blanche.

Aucun analyste ne l'avait prévu.

Trump, 69 ans, le milliardaire de l'immobilier fort en gueule, recueille 18% des soutiens républicains dans l'État du nord-est, selon un sondage Franklin Pierce University/Boston Herald, réalisé après sa prestation controversée au premier débat républicain la semaine dernière.

L'ancien gouverneur de Floride Jeb Bush, frère et fils de deux présidents, arrive deuxième à 13%.

Dans l'Iowa, autre État crucial au début du processus électoral, Trump est en tête à 22%, le deuxième étant un autre novice en politique, le neurochirurgien Ben Carson, selon un sondage CNN/ORC.

Côté démocrate, Sanders, 73 ans, qui se décrit comme un démocrate socialiste, est passé en tête dans le New Hampshire, à 44% des intentions de vote contre 37% pour Hillary Clinton, selon le sondage Franklin Pierce.

L'ancienne secrétaire d'État de 67 ans mène encore au niveau national, et reste la grande favorite côté démocrate. Mais c'est la première fois qu'elle est devancée au niveau des primaires.

«Cela montre que les électeurs cherchent vraiment quelque chose de différent, il y a beaucoup de frustrations à droite et à gauche dans la politique américaine», explique Wendy Schiller, professeure de sciences politiques à l'université Brown.

«Les réponses toujours les mêmes de l'establishment ne sont actuellement pas suffisantes», ajoute-t-elle.

Les électeurs se détournent donc d'un éventuel remake Bush-Clinton, et propulsent des nouveaux venus, populistes chacun à sa manière.

Trump est l'homme aux costumes impeccables, capitaliste qui clame sa réussite financière, accuse ses rivaux et les hommes politiques à Washington d'être des «crétins», et veut construire un mur pour empêcher l'immigration clandestine. Il n'a jusqu'à présent donné aucun détail sur son programme.

Sanders, souvent échevelé, est un sénateur indépendant du Vermont (nord-est), qui dénonce les riches, les inégalités, et l'«oligarchie» nourrie par des dépenses de campagne se chiffrant en milliards de dollars.

Chacun à sa manière séduit des électeurs lassés du discours traditionnel.

«Je pense qu'ils ont chacun une influence semblable dans leur parti, notamment pour les perspectives d'inscription de plus d'électeurs», explique Mme Schiller.

«Sanders et Trump jouent l'un contre l'autre, et ils attirent beaucoup plus de gens dans le système politique», ajoute-t-elle.

Foules massives 

Sanders pourrait aussi pousser le parti démocrate, selon elle, à réaffirmer «son attachement aux valeurs de gauche fondamentales». Parmi celles-ci, l'aide aux plus vulnérables, la réforme des lois sur le financement des campagnes électorales et l'expansion de la couverture médicale.

Trump a galvanisé une base de conservateurs furieux contre Washington, mais ses remarques agressives, comme celles ayant visé une journaliste de Fox News animant le débat républicain, ne sont pas forcément du goût de tous les électeurs républicains.

Il a aussi envoyé des signaux parfois confus.

Il dit lui même avoir «évolué».  Il a un temps été démocrate, a soutenu les Clinton, était favorable au droit à l'avortement, et à une forme d'assurance maladie pour tous.

Combien de temps durera l'enthousiasme que suscitent, à 16 mois de l'élection présidentielle Donald Trump et Bernie Sanders ?

Sanders à ce stade attire les foules les plus importantes de la campagne. Ils étaient ainsi 28 000 dimanche à venir l'écouter dans l'Oregon et presque autant lundi à Los Angeles.

«Le Donald», qui attire aussi des milliers de personnes, n'a pas pu s'empêcher mardi de le critiquer, après un rassemblement où Sanders avait quitté la scène où des manifestants avaient grimpé et s'étaient emparés du micro.

«Cela montre qu'il est faible», a asséné Donald Trump. «Il attire les plus grosses foules, j'attire les plus grosses foules, mais croyez-moi, cela n'arrivera pas à Trump», a ajouté le républicain.