Le milliardaire Donald Trump a, comme à son habitude, été le centre de l'attention lors du premier débat des primaires républicaines, mais les prestations solides des autres candidats, moins impertinents, laissent entrevoir une course serrée pour l'investiture à la Maison-Blanche.

Trump a fait du Trump jeudi soir: il a insulté la comédienne Rosie O'Donnell, s'est vanté d'avoir tiré profit de la législation sur les faillites dans ses casinos et a même été hué par un public qui aurait pourtant dû lui être favorable.

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Mais son style décousu et indiscipliné lui a probablement fait plus gagner en publicité que marquer des points.

Et pendant que «Le Donald» faisait le spectacle - et parlait le plus - les neuf candidats autour de lui, comme l'ancien gouverneur de Floride Jeb Bush, le sénateur Marco Rubio ou encore le gouverneur du Wisconsin Scott Walker ont cimenté leur statut de prétendants sérieux.

Ce premier débat leur a offert une rare opportunité de tirer leur épingle du jeu, parmi la foule des 17 candidats républicains. Là où le même débat d'ouverture de l'élection en 2012 avait attiré 3 millions de téléspectateurs, ils étaient quelque 15 millions d'Américains devant leurs écrans jeudi, selon les estimations, de loin la confrontation la plus regardée toutes primaires confondues.

Avec des enjeux aussi importants, la plupart ont toutefois joué la sécurité et se sont appliqués à éviter tout faux pas tout en affichant leur stature présidentielle, laissant le soin aux journalistes de titiller Donald Trump, qui a mené la danse toute la soirée.

«Personne n'a commis une énorme gaffe qui le met hors jeu», explique Geoffrey Skelley, de la faculté de politique de l'université de Virginie.

Seul le sénateur Rand Paul, représentant de l'aile libertaire du parti, s'est aventuré à attaquer frontalement le magnat de l'immobilier, l'accusant d'acheter les personnalités politiques. Trump, fidèle à lui-même, s'est d'ailleurs empressé d'acquiescer et de s'en vanter.

Pour le reste, ils se sont surtout présentés aux électeurs.

À l'instar de Scott Walker, bête noire des syndicats, qui s'est positionné en candidat «agressivement normal».

«Il a peut-être outrepassé les attentes sur les questions de politique étrangère», son point faible, «et pour lui c'est plutôt bon», analyse M. Skelley.

«Il y a probablement des gens à l'intérieur de l'establishment du parti républicain et parmi les donateurs qui sont toujours incertains le concernant», a-t-il ajouté.

«Brasser de l'argent»

Le sénateur de Floride Marco Rubio, d'origine cubaine, s'est lui décrit comme l'incarnation du rêve américain et, anticipant déjà une éventuelle confrontation avec la favorite démocrate, a tenté de montrer sa grande différence avec Hillary Clinton.

«(Marco) Rubio a vraiment fait du bon travail en soulignant qu'il serait un super adversaire contre Hillary Clinton si elle était nommée», reprend Geoffrey Skelley. «Il représenterait l'avenir, elle le passé».

Jeb Bush, frère et fils des anciens présidents Bush, s'est lui surtout appuyé sur son expérience en tant que gouverneur.

Il n'avait «qu'un but en tête et c'était de convaincre les électeurs qu'il n'est pas son frère ni son père, qu'il a sa propre personnalité et sa vision de la politique», explique Peter Brown, directeur adjoint des sondages à l'université Quinnipiac.

À l'issue de la soirée à Cleveland, bien malin qui aurait pu dire lequel des candidats sera investi dans un an, dans le même aréna.

Plusieurs d'entre eux restent en position de créer la surprise, une situation qui pourrait mener vers une campagne en dents-de-scie qui ne serait pas sans rappeler celle de 2012, lorsque d'éphémères fulgurances avaient porté à la lumière des candidats vite retombés dans l'ombre.

«Il nous reste énormément de temps», estime M. Brown. «L'Iowa (où aura lieu la première élection, NDLR) est dans sept mois. La question est de savoir qui pourra continuer de brasser de l'argent».

«Il est assez probable que les primaires en avril permettent encore de départager» les candidats, prédit l'analyste.

Au final, qu'il soit investi ou non, Donald Trump, qui n'a pas écarté l'idée de se présenter en candidat indépendant si le parti ne le désigne pas, reste l'inconnue de l'équation républicaine.

«S'il se présente en indépendant», estime Geoffrey Skelley, «c'est exactement le genre d'événement qui aiderait Hillary Clinton à gagner».