Neuf candidats prendront place jeudi de part et d'autre de Donald Trump pour le premier débat des primaires républicaines pour la Maison-Blanche. Et beaucoup se demandent: comment gérer un homme qui a fait de son agressivité sa marque de fabrique?

Le magnat de l'immobilier les a traités de faiblards (Jeb Bush), d'idiots (Rick Perry), d'incapables qui n'auraient jamais fait fortune hors de la politique (Lindsey Graham). À force de promesses outrancières et d'invectives, le milliardaire a depuis l'annonce de sa candidature en juin pris la tête des sondages, devant les plus sérieux des candidats.

Même ceux qui avaient passé les dernières années à patiemment préparer le terrain, en perdant du poids (Jeb Bush, 18 kg en six mois), écrivant des livres d'idées (Marco Rubio) et courtisant les plus grands donateurs républicains (tous).

Doivent-ils gaspiller leur précieux temps de parole à attaquer Donald Trump? Provoquer un esclandre pour se faire remarquer, au risque de légitimer un homme qu'ils traitent de bouffon?

Jeb Bush a plaisanté qu'il était rassuré que le candidat Ben Carson, neurochirurgien à la retraite, participe au débat, car «on aura peut-être besoin d'un médecin». Lindsey Graham a recommandé de regarder le débat ivre: «si vous buvez assez, peut-être que vous arriverez à comprendre ce que Donald raconte». Chris Christie a juré qu'il ne se laisserait pas interrompre.

Mais un habitué des débats, le candidat républicain à la Maison-Blanche en 2008 John McCain, recommande la sobriété: «il faut remettre en cause ses affirmations», dit-il à l'AFP. «Qu'ils se préparent à discuter du fond».

«Avant toute chose, personne ne peut "Trumper" Trump», abonde l'expert de la communication Carmine Gallo, auteur de «Parler comme TED», les conférences à succès connues pour leurs orateurs. «Les Américains aiment que leurs héros soient authentiques, et ça sonnera faux si vous essayez d'imiter la personnalité de quelqu'un d'autre».

Surtout, dit ce communicant à l'AFP, les populistes sont capables d'attirer l'attention en jouant sur la colère des gens, mais «le candidat qui gagne est souvent celui qui promet un avenir irrésistible et positif. Les Américains aiment les optimistes».

Trump à contre-emploi?

Les débats présidentiels sont la spécialité du professeur Mitchell McKinney, directeur de l'institut de communication politique de l'Université du Missouri. Depuis 25 ans, il invite des électeurs à regarder les débats et décortique leurs réactions.

Il observe que les premiers débats sont essentiels pour former l'opinion des téléspectateurs sur les candidats - a fortiori cette année, avec 17 candidats dont beaucoup sont de grands inconnus (10 seront sélectionnés pour le débat de jeudi, les autres seront relégués à un forum quatre heures avant).

«C'est un premier entretien d'embauche devant la base du parti», explique le professeur McKinney. Et plus que des idées, ces électeurs veulent voir qui a le «tempérament» d'un président.

«Est-ce que les candidats arriveront à attaquer les autres républicains d'une façon qui ne soit pas haineuse ni méchante, ou est-ce qu'ils auront l'air de harceleurs? Les gens ne trouvent pas ça très présidentiel».

Gare à ne pas basculer de l'offensive à l'agressivité. Les exemples abondent: le républicain Rick Lazio qui avait un peu trop brutalement tenté de forcer Hillary Clinton, alors candidate au Sénat en 2000, de signer un engagement sur le financement électoral. Ou l'accrochage entre Mitt Romney et Rick Perry en 2011, quand Mitt Romney, furieux, avait pointé du doigt et touché l'épaule de son rival (Romney avait fini par gagner les primaires).

Donald Trump brille quand il est seul face aux caméras, mais n'a pas l'habitude d'être un parmi dix. Il aura le même temps de parole que les autres. «Je ne les attaquerai pas», a-t-il dit dimanche sur ABC. Et d'abaisser les attentes: «je ne suis pas un débatteur».

La surprise pourrait venir de là: un Donald Trump à contre-emploi, réfléchi et posé.

«Je prédis que M. Trump restera concentré sur le fond et sera respectueux», dit dans un sourire à l'AFP le sénateur républicain Rob Portman, qui s'y connaît en débats: il jouait Barack Obama dans les séances d'entraînement de Mitt Romney en 2012.