Les États-Unis, après des années de refus obstiné, vont finalement libérer en novembre prochain l'espion israélien Jonathan Pollard, arrêté en 1985 et condamné à la prison à vie en 1987.

«La Commission de libération conditionnelle a émis un avis accordant la remise en liberté à notre client», ont précisé dans un communiqué ses avocats Eliot Lauer et Jacques Semmelman, précisant qu'il devrait retrouver la liberté le 21 novembre prochain.

Ceux-ci ont toutefois demandé à Barack Obama de faire preuve de clémence et de le faire libérer avant cette date.

Selon eux, la décision de la Commission de libération conditionnelle a été prise à l'unanimité des trois membres après une audience le 7 juillet au centre de détention fédéral de Butner, en Caroline du Nord, où M. Pollard est incarcéré.

Si cette libération conditionnelle n'avait pas été accordée, Jonathan Pollard, prisonnier modèle, aurait passé quinze ans supplémentaires derrière les barreaux.

Il va devoir rester sur le sol américain au moins cinq ans après sa libération, à moins que Barack Obama ne l'autorise à quitter le pays. Ses avocats ont précisé que M. Pollard avait déjà l'assurance d'avoir un travail et une maison dans la région new-yorkaise.

De nombreux observateurs estiment que la libération de M. Pollard pourrait être interprétée comme un geste de compensation des États-Unis envers Israël, très mécontent de l'accord trouvé entre les puissances occidentales et Téhéran sur le programme nucléaire iranien le 14 juillet.

Mais «la décision de libérer M. Pollard n'est pas liée aux récents développements au Moyen-Orient», ont relevé ses avocats.

Le secrétaire d'Etat John Kerry est allé dans le même sens, assurant qu'il n'avait pas discuté les Israéliens, et la ministre de la Justice israélienne Ayelet Shaked a également noté sur sa page Facebook que M. Pollard était libéré «non pas grâce à un acte de gentillesse, mais grâce à la loi; non pas grâce à l'accord dévastateur entre les États-Unis et l'Iran, mais grâce à la loi».

«Les yeux et les oreilles d'Israël»

Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a dit de son côté attendre «avec impatience» la remise en liberté de l'espion. «Durant son emprisonnement j'ai constamment soulevé la question de sa libération dans nos réunions et nos conversations avec les dirigeants successifs de l'administration américaine», a-t-il rappelé.

Les Israéliens réclamaient en effet inlassablement la libération de Pollard depuis son emprisonnement en 1985 et l'espion avait déjà failli servir de monnaie d'échange à plusieurs reprises.

Dès février 1988, un an après sa condamnation à la prison à perpétuité le 4 mars 1987, la presse américaine évoquait déjà un projet d'échange impliquant Washington, Israël et Moscou.

En octobre 1998, M. Nétanyahou, qui effectuait alors son premier mandat de Premier ministre, avait pris le risque de faire capoter la signature des accords israélo-palestiniens de Wye Plantation. Il avait exigé au dernier moment la libération de l'espion mais le chef de la CIA Georges Tenet avait en réponse menacé de démissionner. Le président américain Bill Clinton avait alors promis de revoir le dossier.

Washington a toujours refusé de grâcier Pollard, au motif que ses activités ont causé des torts considérables aux intérêts américains.

Les États-Unis n'ont jamais fait savoir officiellement tout ce que Jonathan Pollard avait fourni à Israël comme informations dans les milliers de pages confidentielles transmises depuis son poste d'analyste civil du renseignement à la Navy durant 18 mois, de mai 1984 à novembre 1985, en échange de 50 000 dollars et la promesse de 300 000 supplémentaires,

«J'étais les yeux et les oreilles d'Israël sur une immense aire géographique qui allait de l'Atlantique nord à l'océan indien», avait affirmé Pollard en plaidant coupable.

Selon un rapport de la CIA de 1987 déclassifié en décembre 2012, les informations livrées portaient sur les pays arabes et l'Union soviétique. Elles ont aidé Israël à bombarder en 1985 le QG de l'Organisation de Libération de la Palestine, alors à Tunis, et à assassiner en 1988 le numéro deux de l'OLP Abou Jihad.

Ce rapport illustrait aussi les problèmes financiers de Pollard et son comportement excentrique: il a par exemple assuré un jour que l'Armée républicaine irlandaise (IRA) avait kidnappé sa femme.

Diplômé de Stanford, fils d'un professeur d'université respecté, Pollard avait 31 ans lors de son arrestation le 21 novembre 1985 à Washington près de l'ambassade d'Israël où il tentait de se réfugier avec son épouse Anne. Celle-ci a été condamnée à cinq ans de prison. Pollard a ensuite divorcé pour épouser en 1993 Esther Zeitz.

Ce juif américain né le 7 août 1954 a obtenu la nationalité israélienne en mai 1995 mais a dû attendre 1998 pour qu'Israël le reconnaisse comme espion israélien.