L'homme qui a tué quatre militaires aux États-Unis jeudi a été embauché pendant dix jours dans une centrale nucléaire de l'Ohio en 2013, avant d'être renvoyé car il ne remplissait pas les conditions requises pour y travailler, selon l'exploitant de la centrale.

«Mohammad Youssuf Abdulazeez a été embauché sous conditions à la centrale nucléaire Perry du groupe FirstEnergy pour une brève période de dix jours, du 20 au 30 mai 2013», a indiqué vendredi le groupe énergétique américain FirstEnergy dans un courriel à l'AFP.

Mais le jeune homme qui a tué jeudi quatre Marines dans la ville de Chattanooga, dans le Tennessee armé d'au moins deux fusils, n'a cependant «jamais été autorisé à circuler (dans la centrale) sans être accompagné et n'est jamais entré dans la zone sécurisée de la centrale», a précisé une porte-parole du groupe, Stephanie Walton.

Mohammad Youssuf Abdulazeez, diplômé en 2012 de l'université du Tennessee à Chattanooga, «a été renvoyé car on a constaté qu'il ne remplissait pas les conditions suffisantes pour occuper un emploi permanent», a-t-elle expliqué sans préciser quelles étaient ces conditions.

Durant ses dix jours dans la centrale, l'accès de M. Abdulazeez a été «limité à un bâtiment administratif pendant qu'il était formé aux procédures de l'entreprise. Il n'avait pas accès aux informations sensibles de la centrale».

Quand les salariés de la centrale ont reconnu Mohammad Youssuf Abdulazeez dans les médias, ils l'ont tout de suite signalé à leurs responsables, qui «ont immédiatement informé l'Autorité de sûreté nucléaire américaine», la Nuclear Regulatory Commission (NRC), a précisé la représentante du groupe.

La centrale Perry, située sur les bords du lac Erié près de la ville de Cleveland et de la frontière canadienne, emploie 720 personnes et produit de l'électricité pour environ un million de foyers.

Séjour de sept mois en Jordanie

Les enquêteurs s'intéressaient également vendredi à un déplacement en Jordanie du tireur solitaire qui a abattu quatre militaires aux États-Unis jeudi avant d'être tué, pour savoir s'il a été inspiré ou non par le groupe État islamique.

Les autorités, qui n'excluent pas un possible acte de «terrorisme intérieur», tentent de reconstituer le parcours de l'auteur de la fusillade, identifié par la police fédérale (FBI) comme étant Mohammad Youssuf Abdulazeez.

Le jeune homme de 24 ans, apparemment sans histoires et qui vivait dans une banlieue calme de Chattanooga, dans le Tennessee, a voyagé en Jordanie, a indiqué une source proche du dossier à l'AFP, confirmant des informations parues dans la presse américaine.

Il y a passé «près de sept mois l'an dernier», a expliqué le New York Times vendredi, citant un haut responsable anonyme du renseignement.

Les enquêteurs épluchent les données des ordinateur, téléphone et comptes sur les réseaux sociaux pour tenter de savoir s'il a pu ou non être en contact avec des organisations terroristes durant son séjour dans le pays, poursuit le journal.

Le jeune homme, un ancien étudiant de l'université du Tennessee diplômé en ingénierie, semblait avoir ouvert un blogue qui ne contenait ni d'éléments montrant une radicalisation, ni de menaces.

«La vie est courte et amère» et les musulmans ne devraient «pas laisser passer l'occasion de se soumettre à Allah», a-t-il par exemple récemment écrit, selon le centre américain de surveillance des groupes islamistes SITE.

Il n'avait eu affaire à la police qu'une fois: il avait été arrêté en avril, pour conduite en état d'ébriété.

Cibles identiques à celles de l'EI

Le représentant du FBI n'a pour l'instant pas trouvé de lien avec d'éventuels complices jihadistes, alors qu'un élu spécialiste en sécurité intérieure affirmait que l'attaque avait été «inspirée par l'EI».

«À l'heure qu'il est, nous n'avons pas d'indication selon laquelle il était dirigé ou inspiré par quelqu'un d'autre que lui-même», a affirmé l'agent spécial du FBI Ed Reinhold.

Mais Michael McCaul, président de la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre des représentants, a fait remarquer que les cibles étaient «identiques à celles que l'EI appelle à attaquer».

Pour cet élu républicain, «la menace est réelle. Et elle vient d'internet. C'est une nouvelle génération de terroristes. Ce ne sont plus des messagers de Ben Laden».

Il a rappelé que les autorités américaines avaient arrêté l'an dernier 60 personnes liées à l'EI, «soit plus d'une par semaine», et déjoué «plus de 50 complots contre des intérêts occidentaux».

Le responsable du renseignement cité par le NYT estime que l'attaque soulève notamment la question de savoir s'il «était dirigé par quelqu'un ou si la propagande là-bas (en Jordanie) est suffisante pour le motiver» à passer à l'acte.

Les enquêteurs s'intéressent particulièrement à ce séjour «suspect» en Jordanie, également pour savoir s'il s'est rendu dans des pays voisins à partir de là, selon le Wall Street Journal qui cite également une source anonyme.

D'autres informations de presse, non confirmées, font état d'un possible déplacement au Yémen.

Le ministère de l'Intérieur du Koweït a lui insisté sur le fait qu'il ne s'était rendu sur son sol «qu'une fois entre le 31 mai et le 18 juin 2010».

Il tue quand la police lui tire dessus

Ali Soufan, ancien agent du FBI qui a traqué Al-Qaïda pendant de longues années, désormais consultant en sécurité, a estimé de son côté que «l'idéologie du Ben Ladenisme, reprise par les membres et les soutiens de (l'organisation) État islamique et d'autres groupes terroristes l'a aidé à appuyer sur la détente», faisant référence aux incitations à attaquer de l'intérieur les pays occidentaux.

Le calendrier de l'attaque, a-t-il ajouté, le dernier jour du ramadan, porte le sceau des appels de l'EI. Le président de l'association islamique de la ville, Bassam Issa, a noté que la tuerie avait eu lieu «la veille de l'Aïd, une fête similiaire à Noël pour les chrétiens» qui marque la fin du ramadan.

Le maire de Chattanooga Andy Berke a précisé que Mohammad Youssuf Abdulazeez «n'était pas à (sa) connaissance» considéré comme un danger potentiel pour la sécurité nationale et précisé que sa ville ne connaissait aucun problème de radicalisation avec sa communauté musulmane.

Le Jordanien, né au Koweït et naturalisé américain, s'est attaqué d'abord à un bureau de recrutement des Marines avant de se diriger vers un centre de réservistes.

Là, muni d'au moins deux armes longues, sans gilet pare-balles mais portant une veste avec des munitions, il a tiré «en longues rafales», parvenant à tuer quatre Marines alors qu'il était déjà sous le feu nourri de la police.

Les policiers qui l'ont tué ont sauvé «beaucoup de vies», a souligné le FBI.

Parmi les quatre Marines tués, se trouvait le sergent Thomas Sullivan, qui a servi deux fois en Irak, où il avait été blessé. L'attaque a également fait trois blessés, un recruteur des Marines, un marin et un policier.

PHOTO AP/Shérif du comté de Hamilton

Mohammad Youssuf Abdulazeez