Les indépendantistes veulent depuis des décennies que Porto Rico se sépare des États-Unis. Avec la crise de la dette qui asphyxie la petite île des Caraïbes, d'autres habitants demandent désormais, avec plus ou moins de sérieux, à redevenir Européens.

«S'ils ne veulent pas que nous soyons égaux politiquement avec les États (américains) et qu'ils ne veulent pas nous donner un statut digne avec des pouvoirs, qu'ils nous laissent rentrer chez nous, où nous étions égaux politiquement», s'indigne José Nieves Seise, fondateur du Mouvement de réunification avec l'Espagne (MRE).

«On nous a séparés contre notre volonté, Porto Rico n'a jamais voulu se séparer de l'Espagne», explique-t-il lors d'un entretien accordé à l'AFP à San Juan, la capitale de cette île caribéenne de 3,5 millions d'habitants, sous autorité espagnole jusqu'à la guerre hispano-américaine de 1898.

Échanger Porto Rico contre la Grèce

Avec un ton bien moins sérieux, une pétition demandant que Porto Rico rejoigne l'Allemagne a été présentée vendredi à la Maison-Blanche après des déclarations ironiques du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, qui a proposé à Washington d'échanger l'île contre la Grèce, également asphyxiée par sa lourde dette.

«Nous demandons à cette administration qu'elle mette fin au purgatoire politique de l'île en exigeant au Congrès qu'il cède la souveraineté de Porto Rico et ses citoyens à l'Allemagne», dit le texte de la pétition, qui doit obtenir 100 000 signatures pour être étudiée par la Maison-Blanche. Elle n'en avait recueilli que 350 lundi.

Il en faudrait plus pour décourager ses promoteurs, qui ont créé une page Facebook où ils plaisantent sur les possibles façons, - goût pour la bière blonde ou les marques allemandes -, de démontrer l'«héritage teuton» de Porto Rico.

Redevenir Espagnol

Si cette initiative cherche plus à faire rire qu'à donner des résultats, le MRE dit lui être un mouvement sérieux. Ses représentants ont déjà eu une première réunion «agréable» avec le consul espagnol à Porto Rico et comptent maintenant lancer une pétition pour demander à Madrid la citoyenneté espagnole, selon Nieves Seise.

Le MRE veut aussi que la Cour internationale de justice de La Haye annule le Traité de Paris, qui avait fait passer en 1898 Porto Rico des mains espagnoles aux mains américaines.

L'île caribéenne est actuellement un État libre mais associé aux États-unis. Ce statut, dit de Commonwealth, donne à ses habitants la citoyenneté américaine et leur permet d'utiliser le dollar comme monnaie mais les empêche de voter aux élections nationales ou d'avoir des représentants au Congrès à Washington.

Pour la première fois, une majorité de Portoricains s'étaient dits favorables à voir l'île devenir un État américain lors d'un référendum en 2012. Mais ce résultat n'a pas été pris en compte par les États-Unis, selon José Nieves Seise, qui a donc décidé de lancer son mouvement en 2014.

Bénéfices mutuels

D'après lui, son statut actuel empêche Porto Rico d'agir face à l'énorme dette de 72 milliards de dollars accumulée par l'île après huit ans de récession. «Porto Rico est dans cette situation parce qu'elle ne peut rien faire», affirme-t-il.

Si Porto Rico devenait la 18e région espagnole, comme le veut son mouvement, «nous aurions plus de pouvoir pour attirer des investissements étrangers, protéger l'industrie locale, nous aurions l'euro et nous pourrions discuter avec des pays latino-américains» afin de renforcer les échanges commerciaux, dit José Nieves Seise.

Cela permettrait également à l'île de s'émanciper d'une loi voulant actuellement que tous les bateaux entrant au port de Porto Rico battent pavillon américain, ce qui pèse sur le coût des importations, selon le gouvernement de l'île, qui demande à ne plus y être soumis.

Porto Rico deviendrait la porte d'entrée du continent américain pour l'Espagne et l'Union européenne selon le MRE, qui affirme avoir rallié le soutien de quelque 3000 sympathisants.

«Vous imaginez les avantages que cela représenterait pour Porto Rico, la création d'emplois pour les deux pays?», s'exclame José Nieves Seise. «Le bénéfice serait mutuel et c'est ce dont Porto Rico a besoin».