L'image, forte, marque un nouveau cap dans le rapprochement de deux anciens pays ennemis: le président américain Barack Obama a reçu mardi le numéro 1 du Parti communiste vietnamien, assurant avoir eu avec lui une discussion «franche» sur les droits de l'homme.

Quarante ans après la chute de Saïgon, l'honneur accordé à Nguyen Phu Trong, secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV), ne faisait cependant pas l'unanimité à Washington. Plusieurs élus ont déploré l'initiative tandis que, devant la Maison-Blanche, quelques centaines de manifestants réclamaient avec force des réformes démocratiques à Hanoï.

Souriants et plutôt décontractés, les deux hommes, assis côte-à-côte dans le Bureau ovale, ont insisté, à l'issue de cette rencontre hautement symbolique, sur les progrès accomplis depuis le rétablissement des relations diplomatiques il y a vingt ans.

Soulignant que les deux pays avaient eu une «histoire difficile», M. Obama a mis en exergue «des progrès remarquables», appelant à la poursuite d'un dialogue basé sur le respect mutuel.

Évoquant une discussion «cordiale, constructive et franche», le chef du PC vietnamien, véritable homme fort du pays, a insisté, sans mentionner explicitement la Chine, sur ses inquiétudes concernant les conflits en mer de Chine méridionale «où le droit international n'est pas respecté».

Les ambitions territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale, auxquelles s'opposent des pays d'Asie du Sud-Est soutenus par les États-Unis, sont sources de tensions récurrentes dans la région. Les zones maritimes disputées sont stratégiques pour le commerce mondial et recèlent potentiellement d'importantes réserves d'hydrocarbures.

Quinze ans après la visite de réconciliation historique de Bill Clinton, M. Obama, qui quittera la Maison-Blanche dans 18 mois, a évoqué une possible visite au Vietnam, tout en restant évasif sur le calendrier.

«Hausser le ton» 

À quelques dizaines de mètres de là, derrière les grilles entourant les jardins de la Maison-Blanche, des manifestants réclamaient des changements en profondeur au Vietnam.

«Liberté pour tous les prisonniers politiques», «Le parti communiste vietnamien doit être dissous», «Non à la répression de Hanoï contre les écrivains, les blogueurs et les défenseurs des droits de l'homme», pouvait-on lire sur les pancartes brandies par ces hommes et ces femmes.

Dans une lettre ouverte au président, une dizaine d'élus du Congrès, démocrates et républicains, ont de leur côté déploré que Nguyen Phu Trong ait été invité à la Maison-Blanche alors qu'il n'est ni chef d'État, ni représentant d'un gouvernement élu.

«Ce système autoritaire de parti unique est à l'origine de la situation déplorable des droits de l'homme au Vietnam», ont-ils souligné, appelant M. Obama à réclamer la libération immédiate de tous les prisonniers politiques purgeant de longues peines simplement pour avoir exprimé «pacifiquement leurs opinions».

John Sifton, chargé de l'Asie au sein de l'organisation Human rights watch (HRW), jugeait de son côté que le Vietnam avait trop peu évolué au cours des mois écoulés «pour mériter la récompense que constitue une rencontre dans le Bureau ovale». Jugeant que les nombreux messages adressés par Washington à Hanoï sur ce thème n'étaient «pas suivis d'effet», il a appelé le président américain à «hausser le ton».

Le sénateur républicain John McCain, ancien prisonnier de guerre au Vietnam, a salué pour sa part «une visite historique», saluant les progrès «stupéfiants» accomplis entre les deux pays depuis la rétablissement de leurs relations diplomatiques.

Pilote pendant la guerre du Vietnam, John McCain avait eu son avion abattu au-dessus de Hanoï en 1967 et avait passé cinq ans et demi en détention.

Lors d'un déjeuner avec Nguyen Phu Trong, le vice-président Joe Biden a souligné que la première fois qu'il avait été élu au Sénat, en 1972 à l'âge de 29 ans, son principal objectif était de mettre fin à la guerre du Vietnam.

«Et je me retrouve aujourd'hui avec le secrétaire général (du Parti communiste vietnamien) à célébrer 20 ans de rétablissement de relations diplomatiques et un avenir chargé de promesses!».