Le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, devrait dans les prochaines semaines annoncer sa candidature aux primaires républicaines. Ce fils de pasteur pourrait séduire la droite libertaire: il a pratiquement interdit les syndicats dans la fonction publique et veut enlever l'obligation pour les enseignants d'avoir un diplôme universitaire et abolir la sécurité d'emploi des professeurs d'université. La Presse est allée au Wisconsin.

La dernière fois que Glen Barry a vu Scott Walker, dans une fête étudiante en 1990 à Milwaukee, ils étaient tous les deux debout sur les accoudoirs d'une chaise berçante et avaient les bras croisés pour ne pas tomber.

M. Barry et le futur gouverneur du Wisconsin venaient de passer deux ans à croiser le fer, échangeant des accusations de fraude électorale dans des élections étudiantes. M. Walker avait même accusé M. Barry et une demi-douzaine d'autres étudiants de détournement de fonds à cause d'une tournée des grands-ducs financée par les fonds de l'association étudiante. «Dès l'université, Scott a pris l'habitude d'être très agressif avec ses opposants, mais dans un contexte social, il est impossible de ne pas apprécier son affabilité», dit M. Barry, qui est maintenant un environnementaliste professionnel. «Je crois qu'il serait un président catastrophique pour les États-Unis, mais il sait certainement comment se faire aimer.»

Les analystes politiques s'attendent à ce que Scott Walker annonce dans les prochaines semaines sa candidature aux primaires du Parti républicain. Certains sondages en Iowa et au New Hampshire, des États très importants pour les primaires, l'ont placé en tête. M. Walker appuie sa réputation de conservateur sur une loi unique aux États-Unis, qui en 2011 a pratiquement éliminé les syndicats de la fonction publique. Malgré cette loi, qui a suscité une intense mobilisation syndicale, il a survécu à une élection de rappel en 2012 et a remporté un deuxième mandat en 2014.

«Scott Walker est l'un des meilleurs politiciens que j'ai jamais vus», explique Lee Mordecai, un politologue de l'Université du Wisconsin à Milwaukee. «Il aime faire campagne, les activités de financement, les débats, les visites de foires agricoles ou commerciales la fin de semaine. En quelque sorte, il me rappelle Bill Clinton. Et il est impossible de le faire dévier de son message ou de le faire sortir de ses gonds.»

Le parti de l'argent

John Nichols, correspondant parlementaire pour le Capitol Times de Madison, la capitale du Wisconsin, confirme l'analyse de M. Mordecai. «J'ai toujours été très critique à l'égard de Walker, dit M. Nichols. Je le connais depuis 25 ans; au départ, il voulait vraiment du changement positif, assainir le financement des campagnes électorales. Mais il a pris le parti de l'argent. Il se limite maintenant à accumuler du pouvoir et à changer les règles pour favoriser ceux qui le financent et affaiblir l'opposition. Malgré tout, il est toujours très affable avec moi. Ses opposants le sous-estiment souvent, ils se disent qu'un jour, il va craquer et montrer son côté agressif de manière verbale. Ce n'est jamais arrivé.»

Scott Walker a passé la fin de son enfance et son adolescence à Delavan, une petite ville de 8500 habitants - et 16 églises - située à une heure de Chicago, de Milwaukee et de Madison. Son père y était pasteur et ceux qui l'ont connu rapportent qu'il lui a légué son affabilité. «Je connais très bien Scott et sa famille», dit Grace Hirte, directrice de l'École chrétienne de Delavan. «Son père était toujours prêt à aider des gens qui n'étaient pas de sa congrégation, par exemple pour des funérailles quand un autre pasteur était absent. Il était toujours à l'écoute des gens. Je vois ces traits dans Scott.»

Cette petite ville prospère, qui a gardé quasiment intacte sa rue principale pavée à l'ancienne avec de petits magasins indépendants, est aussi responsable d'une autre caractéristique de Scott Walker, selon Mme Hirte: «Il ne fait pas de compromis avec ses principes. Ici, c'est mal vu.» Selon Lee Mordecai, M. Walker est un «enfant de la talk radio» (l'équivalent de nos radios-poubelles), un univers où «le mot compromis est très négatif».

La vertu du travail

Ces principes, c'est entre autres la vertu du travail. Durant ses études universitaires, M. Walker travaillait pour IBM comme vendeur itinérant de garanties. L'un de ses clients, la Croix-Rouge de Milwaukee, lui a offert un poste en recherche de financement et organisation alors qu'il n'avait pas terminé son baccalauréat en science politique. M. Walker a sauté sur l'occasion de se lancer dans la vie adulte, entamant dans la foulée une carrière politique à seulement 23 ans. «Déjà, à l'université, il parlait de faire de la politique, sur le modèle de son héros Ronald Reagan», dit Glen Barry.

Après neuf ans au Congrès du Wisconsin, M. Walker est devenu en 2002 président du comté de Milwaukee, fortement démocrate, dans une élection extraordinaire provoquée par un scandale de caisse de retraite fortement déficitaire aux prestations très élevées. Durant son premier mandat, il a renoncé à la moitié de son salaire de 120 000 $ US. Puis, en 2010, il est devenu gouverneur de l'État, dans une élection marquée par un déficit budgétaire record.

L'année suivante, il a forcé l'adoption d'une loi limitant le rôle des syndicats du secteur public dans les négociations sur le salaire, avec comme restriction supplémentaire que toute hausse supérieure à l'inflation soit adoptée par référendum auprès de la population. Cette révolution, qui mettait notamment fin à l'utilisation de l'ancienneté pour les promotions et les mises à pied, a suscité une mobilisation syndicale sans précédent et une élection de rappel en 2012.

À droite toute

À Madison, une ville universitaire où les animateurs des émissions de la radio publique affirment régulièrement à leurs auditeurs que George W. Bush a volé la présidentielle de 2000 qu'Al Gore avait en réalité remportée, Scott Walker est régulièrement traité de raciste, de fraudeur, de destructeur de l'environnement et des services publics.

«Il est difficile de trouver des commentaires positifs à son sujet à l'extérieur de la talk radio et des conférences de droite», explique Julia Azeri, politologue à l'Université Marquette. «Je crois que c'est dû au fait que, contrairement à beaucoup de politiciens se réclamant de la diminution de la taille du gouvernement, il a réellement agi. Sur le plan national, il faudra voir s'il pourra remporter les primaires sans trop se prononcer sur les positions pro-vie et antihomosexuelles. S'il réussit, il faudra que les démocrates trouvent autre chose à lui reprocher que son antisyndicalisme. Je ne suis pas sûr que la défense des syndicats soit une priorité pour les Afro-Américains et surtout les Hispaniques.»