Profondément affecté par la fusillade ayant visé la communauté noire de Charleston, dans laquelle un pasteur qu'il connaissait a perdu la vie, Barack Obama a appelé jeudi son pays à faire son introspection sur la question des armes à feu.

Évoquant sa «peine», sa «tristesse» et sa «colère», le président américain a aussi laissé percer son exaspération face à l'absence d'avancées sur le contrôle des armes, un débat sur lequel il a déjà échoué et n'a pratiquement aucune marge de manoeuvre face à un Congrès opposé à toute réforme d'ampleur.

«J'ai dû faire ce genre de déclarations trop souvent», a-t-il lancé, avant de réclamer une véritable réflexion collective sur le rapport aux armes à feu aux États-Unis, tout en reconnaissant - sans illusions - qu'une avancée législative sur ce thème était inconcevable à court terme.

«Soyons clairs», a-t-il mis en garde, le visage fermé. «À un certain moment, nous devrons admettre le fait que ce type de violence n'arrive pas dans d'autres pays développés, que cela n'arrive pas ailleurs avec cette fréquence».

Fusillade après fusillade, la question des armes à feu aux États-Unis revient régulièrement sur la table dans la capitale fédérale américaine.

Lorsque le 14 décembre 2012, 26 personnes dont 20 enfants âgés de 5 à 10 ans trouvent la mort lors d'une fusillade dans une école de Newtown, au Connecticut, l'un des pires carnages jamais commis dans un établissement scolaire, le débat semble prendre une tournure différente. L'Amérique est sous le choc. M. Obama, qui peine à retenir ses larmes, promet des mesures significatives. Nombre d'observateurs pensent qu'il s'agit peut-être d'un tournant.

À peine quatre mois plus tard pourtant, le Congrès sonnait le glas d'une véritable réforme. Rejetant une loi qui aurait rendu obligatoires les vérifications d'antécédents judiciaires et psychiatriques avant l'achat d'armes dans des foires spécialisées et sur internet, les sénateurs infligeaient un camouflet au président qui avait investi un capital politique considérable sur ce dossier.

M. Obama dénonçait alors «un jour de honte pour Washington», pointant du doigt le lobby des armes, la puissante NRA (National Rifle Association), qui martèle que le droit de posséder des armes est inscrit dans la Constitution qu'elle défend bec et ongles.

«Faire évoluer notre façon de penser»

«Nous ne disposons pas de tous les éléments, mais nous savons que, une nouvelle fois, des innocents ont été tués notamment parce que quelqu'un qui leur en voulait n'a eu aucun mal à se procurer une arme», a souligné M. Obama jeudi, au lendemain de la fusillade de Charleston qui a fait neuf morts.

Reconnaissant que l'équilibre actuel des forces politiques rendait illusoire toute nouvelle initiative législative d'ici son départ de la Maison-Blanche début 2017, M. Obama, qui était accompagné du vice-président Joe Biden, en pointe sur ce dossier, a appelé de ses voeux un véritable débat.

«Il est important pour le peuple américain de se saisir du sujet (...) nous devons être capables, collectivement, de faire évoluer notre façon de penser sur les violences par armes», a-t-il lancé. «Ce serait une erreur de notre part de ne pas le faire».

Pour M. Obama, cette fusillade revêt aussi une dimension particulière.

«Michelle et moi-même connaissions le pasteur Clementa Pinckney», a souligné le premier président noir de l'histoire des États-Unis, évoquant cette figure de la communauté noire locale et élue démocrate du Sénat de l'État qui est tombé sous les balles de Dylann Roof, jeune blanc de 21 ans.

Évoquant un «lieu sacré» dans l'histoire de Charleston et dans celle de l'Amérique, M. Obama s'est aussi attardé sur l'église où a eu lieu le drame, baptisée «mère Emanuel» par nombre de fidèles.

«C'est plus qu'une église. C'est un lieu de prière fondé par des Africains-Américains en quête de liberté. C'est une église qui a été réduite en cendres parce que ses fidèles s'étaient battus pour mettre fin à l'esclavage».

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Le président américain a laissé percer son exaspération face à l'absence d'avancées sur le contrôle des armes.