«Le droit à la tranquillité»: c'est l'étendard brandi par le sénateur américain Rand Paul, grand défenseur des libertés individuelles et candidat à la présidentielle, pour s'opposer aux vastes programmes de surveillance de l'agence du renseignement NSA.

Avant même l'expiration à minuit dimanche soir de l'autorisation de la collecte, par la NSA, des données téléphoniques des Américains, Rand Paul proclamait sa «victoire pour la Liberté».

Face aux critiques, il va jusqu'à dire que «certains veulent secrètement qu'il y ait une attaque (aux États-Unis) pour pouvoir m'en faire le reproche», avant de concéder sur Fox lundi qu'au coeur de la bataille «n'importe qui peut se laisser emporter par des exagérations».

Le sénateur républicain du Kentucky, 52 ans, compte parmi les trois ou quatre bien placés pour les primaires de début 2016.

Il n'est pas le plus charismatique, mais ce qui lui manque en notoriété et en chaleur, il le compense par l'enthousiasme de ses troupes, plus jeunes que l'électeur républicain moyen et héritées du mouvement libertaire.

Il y a six ans, seule une poignée de militants du Tea Party avaient entendu parler de cet ophtalmologiste installé à Bowling Green, dans le Kentucky, au centre du pays. Ils ne le connaissaient d'ailleurs que par son père, Ron Paul, trois fois candidat à la présidentielle, libertaire accompli, à qui il doit son éducation intellectuelle (Friedrich Hayek, Ayn Rand, Frédéric Bastiat...).

«Son intransigeance et sa philosophie politique inébranlable m'ont non seulement inspiré, elles ont aussi permis de faire naître ce qui deviendrait le mouvement du Tea Party. Papa a toujours été un quasi-Tea Party à lui tout seul», raconte Rand Paul dans The Tea Party Goes to Washington, publié en 2011.

Quand il arrive au Sénat, en janvier 2011, sur la vague du Tea Party, le mouvement ultra-conservateur né au début de l'ère Obama, le «nouveau» multiplie les coups d'éclat.

Ambition et réalisme 

Sa notoriété est dopée par un discours «filibuster» de 13 heures, en mars 2013, pour bloquer la confirmation du directeur de la CIA.

Il fait à nouveau obstruction pendant 10 heures le 20 mai dernier à une réforme des programmes de surveillance de la NSA, applaudi par les défenseurs des libertés individuelles, des alliés inhabituels pour un républicain.

Rand Paul se définit comme un «conservateur constitutionnel» ou «libertaire»: il dénonce les abus de pouvoir de l'État fédéral, qu'il veut réduire à ses fonctions régaliennes et énoncées dans la Constitution, excluant par exemple l'éducation.

Son dédain arrose toute la classe politique: démocrates et républicains sont coresponsables du gouffre des finances publiques. Les années Bush? «Un échec épouvantable», a-t-il dit.

Il arbore souvent une pièce rouge à la boutonnière au lieu du drapeau américain. «Ca veut dire: pas un cent de plus dans le rouge», avait expliqué Rand Paul après son élection au Sénat à Washington, en 2010.

En politique extérieure, il déplore l'invasion de l'Irak en 2003, méprise les néoconservateurs et traite Hillary Clinton de va-t-en-guerre. Mais il rejette l'étiquette isolationniste. Dans une synthèse fragile, il vante la retenue de Ronald Reagan et défend une approche «moins agressive».

Mais l'ambition s'accompagne d'une dose de réalisme. S'il évoque toujours la cause de la liberté avec grandiloquence, il a abandonné les débats trop philosophiques dans lesquels il s'est retrouvé piégé, notamment sur les lois anti-discrimination.

Les démocrates n'ont de cesse de décrire Rand Paul comme un extrémiste qui disloquerait l'État-providence. Ils contestent aussi sa sincérité dans un dossier où il investit un temps considérable: les droits civiques.

Cinquante ans après la déségrégation, il prône une réforme pénale et l'élimination des peines planchers pour enrayer le cycle prison-chômage-pauvreté, qui entraîne démesurément les jeunes Noirs.

L'objectif assumé est de rattraper le retard abyssal des républicains auprès des électeurs noirs. Mais il permet à Rand Paul de présenter un visage à la fois nouveau et fidèle aux valeurs fondatrices du parti: Abraham Lincoln, père de l'abolition de l'esclavage, était républicain.