La justice américaine a ouvert une enquête fédérale sur les pratiques de la police de Baltimore et de possibles discriminations raciales, après la mort d'un Noir à la suite de son interpellation, a annoncé vendredi la ministre de la Justice, qui veut réduire la «fracture» entre communautés.

«Aujourd'hui, le ministère de la Justice ouvre une enquête pour savoir si la police de Baltimore s'est engagée dans une forme ou une pratique en violation de la Constitution», a déclaré la ministre Loretta Lynch, visiblement résolue dans cette entreprise.

La ministre noire, dont c'est la première annonce depuis sa prise de fonction le 27 avril, s'était rendue la semaine dernière à Baltimore, où des émeutes raciales avaient éclaté après les funérailles d'un jeune Noir de 25 ans.

«Cette enquête débute immédiatement», a-t-elle asséné, en promettant qu'elle se concentrerait sur l'éventuel usage «excessif de la force, y compris mortelle, de fouilles, saisies et arrestations illégales et de pratiques discriminatoires».

«Nous avons vu la perte tragique de la vie d'un jeune homme et un mouvement pacifique de protestations unies pour dire les préoccupations de toute une communauté», a ajouté Mme Lynch.

Freddie Gray est mort le 19 avril une semaine après son interpellation par la police. Selon l'autopsie, il est mort d'une blessure aux vertèbres cervicales lors de son transport sans ceinture, pieds et mains liés, parfois à plat ventre dans un fourgon de police.

Le ministère de la Justice avait déjà annoncé le 21 avril l'ouverture d'une enquête fédérale distincte pour déterminer si ses droits civils avaient été violés.

S'agissant de la police de Baltimore, les enquêteurs réuniront toutes les informations «pertinentes» concernant les pratiques des policiers, y compris auprès de la population noire, de procureurs et d'avocats, et conduiront des entretiens avec les policiers et les autorités locales. Ils se pencheront notamment sur de précédents incidents.

Le Baltimore Sun avait publié en septembre 2014 une enquête révélant que la ville avait payé près de 6 millions de dollars de dédommagements depuis 2011 dans 102 procédures civiles pour des actes de brutalité et autres mauvais comportements commis par des policiers.

«Notre but est de travailler avec la communauté, les responsables publics et les forces de l'ordre», a annoncé Loretta Lynch. «Les défis auxquels nous faisons face, et auxquels Baltimore fait face, n'ont pas surgi du jour au lendemain et ils ne seront pas résolus demain».

La première femme afro-américaine à ce poste a parlé de son «profond chagrin devant la perte d'une vie, l'érosion de la confiance, la tristesse et le désespoir ressentis par la communauté, la frustration que les policiers ont ressentie quand ils ont tenté d'encourager les manifestations pacifiques et ont récolté la violence».

Des années de «frustration» constituent une «poudrière»

Mais la mort de Freddie Gray est le dernier drame en date d'une série de bavures policières à l'encontre d'hommes noirs, qui ont ravivé des tensions raciales latentes aux États-Unis.

Loretta Lynch a reconnu «nombre de situations illustrant la fracture dans différentes communautés».

«En plusieurs points du pays, dans des villes de toutes tailles, des personnes blessées, des morts malencontreuses en prison», a-t-elle déploré: «Le problème va bien au-delà des interactions entre la police et les communautés (noires), nous parlons de décennies de méfiance, de générations de populations qui se sentent globalement exclues du gouvernement, nous parlons de situations qui constituent une poudrière, résultat d'années de frustration et de colère».

Une enquête du même type que celle lancée vendredi avait été menée après les émeutes, l'été dernier, à Ferguson. Elle avait conduit à un rapport accablant sur le racisme au quotidien de la police de la ville, mais le policier blanc responsable de la mort d'un jeune Noir, Michael Brown, ne sera pas poursuivi.

Mais, à Baltimore, six policiers ont été inculpés, dont quatre pour meurtre ou homicide. Ce drame a provoqué de nombreuses manifestations de protestation dans la cité portuaire. Après plusieurs jours de couvre-feu nocturne, la ville a finalement retrouvé son calme.