Une odeur de fumée flottait encore dans l'air, rappel des incendies ayant endommagé au moins deux édifices du secteur, dont une pharmacie CVS située à l'intersection des avenues Pennsylvania et North.

Les vitrines placardées de quelques commerces témoignaient également des émeutes qui ont éclaté à Baltimore peu après l'inhumation de Freddie Gray, ce jeune Noir de 25 ans dont la mort inexpliquée après son arrestation le 12 avril a relancé la polémique sur la brutalité policière dans sa ville et ailleurs aux États-Unis.

Mais les scènes quasi apocalyptiques auxquelles un visiteur se serait attendu après avoir vu les images télévisées des violences et du chaos de la veille n'étaient pas au rendez-vous. Vers 11h, hier matin, une foule de volontaires, noirs et blancs, jeunes et moins jeunes, armés de pelles, de balais et de sacs-poubelle, avait déjà terminé le ménage de l'épicentre des émeutes.

«C'est incroyable!», a commenté Malik Thomas, un père de 38 ans accompagné de sa fille de 13 ans, en faisant allusion à l'effort collectif que plusieurs centaines de ses concitoyens avaient consenti. «J'aimerais juste que les gens puissent travailler ensemble comme ça avant que les choses ne dégénèrent, et non pas après.»

Baltimore a montré un autre visage au lendemain d'émeutes et de pillages au cours desquels 144 voitures et 15 immeubles ont été incendiés, selon la police, qui a procédé à plus de 200 arrestations. Au moment où on écrivait ces lignes, cependant, la ville était sous tension, se demandant si des affrontements allaient éclater entre manifestants et policiers après un couvre-feu qui devait être instauré à 22h.

En attendant, le déploiement de 2000 soldats de la garde nationale du Maryland et de centaines de policiers de l'État avait sans doute contribué à ramener le calme dans la ville. Mais les citoyens avaient eux-mêmes donné le ton en envahissant les rues des quartiers les plus touchés par les émeutes pour les nettoyer.

«Nous avons tous été témoins de la destruction tout au long de la nuit dernière», a dit Noah Smith, un militant écologique de 21 ans, en arpentant l'avenue Pennsylvania avec une pelle. «Ce matin, il nous appartient de participer au renouveau.»

«Brutalité» et «injustice»

Comme la plupart de ses concitoyens afro-américains, Noah Smith a condamné les émeutes et les pillages de lundi. Mais il dit comprendre ce qui a poussé des jeunes à y participer.

«Ce qui est arrivé est le résultat d'une colère refoulée, causée par plusieurs années de brutalité policière et d'injustice sociale et économique, a-t-il dit. Les gens sont très en colère. Ils n'ont pas choisi la bonne façon de l'exprimer, mais ce que nous avons vu hier est le débordement de cette colère.»

Le nom de Freddie Gray ne revient pas toujours dans les explications que fournissent les citoyens de Baltimore à propos des violences de lundi. En fait, il en est souvent absent. Andrea Shavers, une enseignante de 35 ans, a plutôt évoqué le choc qu'elle a ressenti il y a 12 ans en déménageant dans cette ville après avoir vécu toute sa vie à Stamford, au Connecticut.

«Je n'avais jamais rien vu de pareil», a-t-elle dit après avoir participé au nettoyage de l'avenue West avec ses deux jeunes enfants, dont les écoles étaient fermées hier en raison des événements de la veille. «La pauvreté. La complaisance de plusieurs citoyens, qui agissaient comme s'ils étaient résignés à leur sort. Rien de cela n'a changé, sauf peut-être la colère, la frustration et le ressentiment des jeunes, qui sont en croissance.»

Tout au long de la journée d'hier, des attroupements de curieux et de protestataires se sont formés au carrefour des avenues Pennsylvania et West, l'intersection principale d'un quartier où les immeubles abandonnés depuis plusieurs années sont légion et où les émeutes ont fait rage lundi. Une rangée de policiers en tenue antiémeute barrait une des avenues, essuyant à l'occasion des insultes ou des reproches du public.

À l'approche du couvre-feu, une rangée de volontaires s'est interposée entre les policiers et la foule des manifestants, qui chantaient et scandaient des slogans, dont «Pas de justice, pas de paix!»

Jeremiah Caldwell, un étudiant de 15 ans, n'était pas parmi eux. Mais il devait sans doute souhaiter une fin paisible à ce lendemain d'émeutes à Baltimore, sa ville natale. Rencontré en début de la journée, il avait porté un jugement sévère sur les violences de la veille, auxquelles il avait refusé de se joindre.

«C'est une honte que ce soit des gens de notre génération qui aient été responsables de ça, a-t-il déclaré. Ils disent qu'ils ont fait cela pour Freddie Gray. Sa famille avait pourtant demandé aux gens de ne pas manifester le jour des funérailles. Les émeutiers leur ont donc infligé une gifle. Ce n'est pas correct.»