Le secrétaire d'État américain John Kerry et le Congrès se sont accrochés mercredi sur la légalité et la valeur diplomatique d'un accord politique international que les grandes puissances et Téhéran s'efforcent de conclure sur le nucléaire iranien.

Le contentieux à propos de l'Iran qui oppose l'administration démocrate au Congrès républicain se cristallise depuis trois jours sur une lettre que des sénateurs républicains ont adressée aux dirigeants de la République islamique pour critiquer le règlement qu'ils veulent sceller d'ici au 31 mars avec le groupe 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne).

Les négociateurs sont dans la dernière ligne droite de pourparlers qui reprennent le 15 mars à Lausanne en Suisse.

Acteur central de ces tractations internationales, John Kerry a dénoncé devant la commission des Affaires étrangères du Sénat la lettre «irresponsable» et «stupéfiante» des élus républicains, disant son «incrédulité» face à cette initiative parlementaire exceptionnelle.

Avant M. Kerry, le président Barack Obama, le vice-président Joe Biden et l'ancienne secrétaire d'État et possible candidate à la présidentielle de 2016 Hillary Clinton avaient condamné la lettre et l'esprit de ce courrier.

Dans cette missive adressée lundi aux «dirigeants de la République islamique d'Iran», 47 des 54 sénateurs républicains, très sceptiques sur les négociations sur le nucléaire, ont prévenu les Iraniens que le Congrès disposait, seul, du pouvoir de lever définitivement les sanctions américaines adoptées sous la forme de lois ces dernières années.

Ils ont ainsi exprimé leur opposition à l'éventuel accord politique entre le groupe 5+1 et l'Iran, une entente dont les contours se dessinent à moins de trois semaines de l'échéance.

Méfiance à l'égard des États-Unis 

Mais pour John Kerry cette lettre «risque de saper la confiance que des gouvernements étrangers placent dans des milliers d'accords importants qui engagent les États-Unis et d'autres pays». Il a dit craindre que la communauté internationale ne se méfie dorénavant de la parole diplomatique de la première puissance mondiale.

Ce courrier «prétend dire au monde que s'il désire faire confiance à l'Amérique, il doit traiter avec les 535 membres du Congrès», a critiqué John Kerry, dénonçant une lettre de sénateurs qui va à l'encontre de «plus de deux siècles de précédents dans la conduite de la politique étrangère américaine».

Le président des États-Unis a l'initiative en matière de diplomatie, mais, dans un régime constitutionnel de stricte séparation des pouvoirs, ses décisions sont encadrées par le Congrès, notamment en ce qui concerne des déclarations de guerre, des ratifications de traités, des votes ou levées de sanctions...

«Les traités formels évidemment requièrent l'avis et le consentement du Sénat des États-Unis. C'est dans la Constitution», a reconnu John Kerry. «Mais ce n'est pas le cas de la grande majorité de nos ententes et accords internationaux», a-t-il affirmé.

En cas d'entente entre le 5+1 et l'Iran, «il est inexact de dire que le Congrès pourrait en fait à tout moment modifier les termes d'un accord. C'est totalement faux», a argué le secrétaire d'État, déniant au Congrès «le droit de modifier un accord conclu entre deux pouvoirs exécutifs, entre des dirigeants de pays».

«Je suis très déçu que vous soyez revenu sur votre déclaration selon laquelle tout accord devait passer au Congrès (...) par un vote. Je crois que nous sommes tous très déçus», a riposté le sénateur républicain Bob Corker.

Et son pair Rand Paul a dit «ne pas particulièrement apprécier de me faire donner la leçon en matière constitutionnelle par une administration qui, je crois, a piétiné la Constitution en de nombreuses occasions».

Dans ce courrier, les sénateurs ont souligné que si Barack Obama a le pouvoir de suspendre les sanctions américaines contre l'Iran, son successeur à partir de janvier 2017 pourra les rétablir d'un «simple trait de plume», car tout accord non approuvé par le Congrès reste du domaine d'un décret de l'exécutif.

«Si tous les pays (du 5+1) disent que (l'accord) est bon et qu'il fonctionne, j'aimerais bien voir le prochain président revenir dessus et simplement l'annuler au nom des États-Unis. Cela n'arrivera pas!», a tonné John Kerry.