Le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou est aux États-Unis pour une mission «historique» de trois jours visant à torpiller le «mauvais» accord international sur le nucléaire iranien que Washington veut au contraire sceller à tout prix d'ici un mois.

Dès sa première visite à la Maison-Blanche après son élection à l'arraché au poste de premier ministre d'Israël, Benyamin Nétanyahou s'était empressé de faire la leçon à son hôte démocrate sur les réalités du Moyen-Orient. Après le départ de son visiteur, le président américain avait explosé de colère devant ses conseillers: «Pour qui se prend-il? Qui est la putain de superpuissance ici?»

Lors de cette rencontre survenue en 1996, l'occupant de la Maison-Blanche n'était évidemment pas Barack Obama mais Bill Clinton, dont l'un des porte-parole, Joe Lockhart, allait plus tard utiliser des mots très durs plus décrire le dirigeant israélien: «L'un des individus les plus odieux... un menteur et un tricheur.»

Barack Obama n'est donc pas le premier responsable américain à avoir du mal à s'entendre avec Benyamin Nétanyahou.

Mais le premier ministre israélien ne manque pas d'admirateurs à Washington. Il compte notamment de précieux alliés chez les élus républicains, dont l'un des chefs de file, John Boehner, l'a invité à prononcer demain un discours devant le Congrès.

Cette invitation a cependant creusé encore davantage le fossé entre Barack Obama et Benyamin Nétanyahou. Orchestrée à l'insu de la Maison-Blanche, elle permettra au premier ministre israélien de dénoncer l'accord sur le nucléaire iranien que le président démocrate tente de décrocher. Et, à deux semaines des élections en Israël, elle lui offrira la chance de se présenter comme le seul garant de la sécurité de son pays.

Selon Susan Rice, conseillère de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, cette invitation «est destructrice pour les bases mêmes des relations israélo-américaines». Relations qui n'ont probablement jamais été aussi mauvaises depuis les années 70, selon certains spécialistes du Proche-Orient, dont Aaron David Miller, ancien négociateur américain dans la région, à qui l'on doit l'anecdote sur la colère de Bill Clinton à l'endroit de Nétanyahou.

Tensions avec Bush père

Un retour dans le passé n'est sans doute pas inutile pour relativiser la gravité de la crise actuelle entre le président américain et l'allié israélien, qui n'a jamais été docile.

Il faut d'abord rappeler que Benyamin Nétanyahou a déjà mis à l'épreuve la patience d'au moins une administration républicaine, celle de George Bush père. En 1990, à l'époque où il était ministre adjoint des Affaires étrangères, «Bibi», comme on le surnomme, s'était vu interdire l'accès du département d'État par le chef de la diplomatie américaine, James Baker. Il était devenu en quelque sorte persona non grata après avoir déclaré que la politique américaine au Proche-Orient était «fondée sur des mensonges et des falsifications».

Comme d'autres présidents américains, George Bush père s'était mis à dos le gouvernement israélien en s'opposant à de nouvelles implantations juives dans les territoires occupés. Un ministre du cabinet d'Itzhak Shamir, le premier ministre de l'époque, l'avait même traité de «menteur» et d'«antisémite» après qu'il eut refusé 10 milliards de dollars de garanties de prêts au gouvernement Shamir pour financer l'installation de juifs russes en Israël et en Cisjordanie.

Le refus de Bush père avait contribué à la défaite du Likoud lors des élections de 1992 et au remplacement de Shamir par le travailliste Itzhak Rabin à la tête du gouvernement israélien.

Ce même Rabin avait lui-même déjà donné des maux de tête au président américain et à son secrétaire d'État lors de son premier passage au poste de premier ministre d'Israël. «Ils ne nous traitent pas comme des alliés», s'était plaint Henry Kissinger à Gerald Ford en faisant référence à Rabin et à ses négociateurs lors des négociations qui allaient mener à l'accord de 1975 sur le Sinaï.

Au cours d'une autre communication privée avec le président américain, le secrétaire d'État devait en outre accuser les Israéliens de tenter d'influencer l'élection présidentielle de 1976. En 2012, des Américains et des Israéliens avaient formulé un reproche semblable à l'encontre de Benyamin Nétanyahou en raison de ses sympathies affichées en faveur du candidat républicain Mitt Romney.

Discours sur l'Iran

Plus ça change, plus c'est pareil. Et c'est particulièrement vrai en ce qui concerne les discours de Benyamin Nétanyahou sur l'Iran. En 1996, lors de sa première allocution devant le Congrès à titre de premier ministre israélien, il avait mis en garde les parlementaires américains contre un Iran nucléaire, qui aurait «non seulement des conséquences catastrophiques pour mon pays et le Moyen-Orient mais aussi pour l'ensemble de l'humanité».

Demain, le premier ministre israélien tiendra le même discours, à quelques mots près. Et il précisera peut-être, comme il l'avait fait il y a près de 20 ans, que le «temps commence à manquer».

Cette fois-ci, cependant, il ne pourra pas faire la leçon au président démocrate, n'ayant pas été invité à la Maison-Blanche.