Le scénario est familier. À quelques heures d'une date butoir, les élus républicains et démocrates sont engagés à Washington dans un bras de fer budgétaire qui pourrait mener à la fermeture de services gouvernementaux.

Mais les raisons de cet énième compte à rebours sont inédites, de même que leurs conséquences éventuelles. Elles ne concernent en rien le relèvement du plafond de la dette nationale, comme cela avait été le cas en 2011 et en 2013. Elles touchent plutôt à la question de l'immigration, qui divise les deux grands partis américains. Et elles pourraient forcer un ministère crucial en ces temps de menaces terroristes - celui de la Sécurité intérieure - à mettre au chômage technique des dizaines de milliers d'employés jugés non essentiels.

Résumons la situation: le Congrès a jusqu'à demain pour adopter la loi de financement du ministère de la Sécurité intérieure, qui gère notamment l'immigration et les frontières. Or, plusieurs républicains de la Chambre des représentants posent comme condition à l'adoption de cette loi le sabordage des décrets présidentiels ouvrant la voie à la régularisation de quelque cinq millions de clandestins.

Obama n'entend pas reculer

Hier, lors d'un déplacement à Miami, Barack Obama a répété son refus de promulguer une loi de financement qui l'obligerait à renoncer à son plan sur l'immigration, présenté en novembre sans l'apport du Congrès. La mesure phare de ce plan permettrait à tout clandestin installé aux États-Unis depuis plus de cinq ans, et ayant un enfant américain ou titulaire d'un statut de résident permanent, de demander un permis de travail de trois ans.

«Si [Mitch] McConnell, chef de la majorité au Sénat, et le président de la Chambre, John Boehner, veulent tenir un vote sur la légalité de ce que je fais, ils peuvent tenir ce vote. J'apposerai mon droit de veto à ce vote», a promis le président sur le campus de l'Université internationale de Floride, où il a participé à une rencontre publique avec des étudiants, militants et immigrés latinos.

Mais Barack Obama ne doit pas lutter seulement contre les parlementaires républicains pour assurer la mise en oeuvre de son plan, qui devait commencer le 18 février. À la veille de cette échéance, un juge de Texas a bloqué la réforme du président, donnant raison à une coalition de 26 États, majoritairement conservateurs du Sud et du Midwest, qui accuse l'hôte de la Maison-Blanche d'avoir outrepassé ses pouvoirs en réformant le système d'immigration sans passer par le Congrès.

La Maison-Blanche a interjeté appel de cette décision, jugeant avoir le droit et l'histoire de son côté.

En attendant l'issue de cette bataille juridique, la loi de financement du ministère de la Sécurité intérieure ne divise pas seulement républicains et démocrates. Elle oppose également les républicains entre eux.

Compromis

Aujourd'hui ou demain, le Sénat à majorité républicaine devrait approuver un projet de loi qui assurerait le financement du Ministère sans toucher aux budgets des services responsables de l'application des décrets présidentiels sur l'immigration. Ce projet de loi découle d'un compromis négocié par le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, qui ne veut pas être accusé de compromettre la sécurité des États-Unis en privant le ministère de la Sécurité intérieure de son budget de quelque 40 milliards de dollars. Son approche a cependant été condamnée par plusieurs conservateurs purs et durs de la Chambre, qui ne semblaient pas disposés hier à emboîter le pas à leurs collègues du Sénat.

L'un d'eux a qualifié le compromis négocié par le sénateur McConnell de «plan de capitulation». Un autre a affirmé que le président de la Chambre, John Boehner, se retrouverait sur une «glace très mince» s'il soumettait le projet de loi du Sénat à un vote à la Chambre.