Un peu plus et Ted Cruz demandait la nationalité française, ce qui n'est pas peu dire de la part d'un politicien américain qui a renoncé l'an dernier à sa citoyenneté canadienne.

«Cette attaque récente contre Charlie Hebdo est une attaque contre nous tous», a écrit sur sa page Facebook le sénateur républicain du Texas et candidat pressenti à la présidence, né à Calgary d'une mère américaine et d'un père cubain.

«La liberté de la presse est au coeur de toutes les sociétés libres», a-t-il ajouté, moins d'une heure après l'attentat qui a fait 12 morts.

Les Américains ont été secoués par le carnage à Charlie Hebdo et les autres attaques meurtrières de la semaine dernière à Paris. Mais Ted Cruz et ses collègues les plus conservateurs ont retenu l'attention en se retrouvant parmi les premiers élus américains à exprimer leur sympathie et leur solidarité à l'égard des Français.

«Aujourd'hui, les États-Unis doivent faire front commun avec le peuple de France en cette période difficile», a renchéri le sénateur de Floride, Marco Rubio, un autre candidat potentiel à la présidence.

«Ils ne haïssent pas les caricatures, ils haïssent la liberté», a-t-il ajouté.

Dénigrement

Ces témoignages de sympathie et de solidarité tranchent avec le dénigrement de la France auquel se livrent souvent les conservateurs américains. Dénigrement qui a sans doute atteint son apogée en 2003, à la veille de l'invasion de l'Irak, mais qui continue à alimenter les critiques républicaines à l'égard de Barack Obama, accusé depuis le début de sa présidence de vouloir transformer les États-Unis en un État providence semblable à la France.

Les déclarations de Ted Cruz, Marco Rubio et cie font également ressortir le silence des candidats potentiels plus modérés à la Maison-Blanche. Ni Jeb Bush chez les républicains ni Hillary Clinton chez les démocrates n'ont réagi publiquement aux attentats de Paris.

Mais que se cache-t-il derrière la sollicitude de ces républicains conservateurs, dont plusieurs dénonçaient la France il n'y a pas longtemps? Au-delà de la douleur sincère de voir des innocents massacrés, il y a d'abord la volonté de ramener au coeur des débats politiques américains la question de la lutte contre l'islam radical et les divers mouvements et individus qui s'en réclament, dont le groupe État islamique (EI) et Al-Qaïda dans la péninsule arabique.

Ainsi, dès le lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo, le sénateur d'Arizona, John McCain, a évoqué la nécessité de revoir la stratégie des États-Unis contre l'EI.

«Tant que l'EI aura du succès, [ses sympathisants] se rendront en Syrie, en Irak, pour combattre, et ils reviendront dans leur pays d'origine, non seulement radicalisés, mais bien entraînés», a déclaré l'ancien candidat présidentiel lors d'une conférence de presse au cours de laquelle il a reproché au président Obama de ne pas consacrer «l'effort suffisant pour détruire l'EI».

D'autres républicains ont affirmé que les attentats de Paris illustraient l'importance de conserver les programmes de surveillance de l'Agence nationale de la sécurité (NSA), qui ont été mis en cause après les révélations de l'ancien analyste Edward Snowden.

«Il est important que le Congrès puisse superviser ces programmes, mais ce qui est encore plus important à mes yeux est de ne pas nuire à la capacité de la NSA de collecter les renseignements susceptibles de stopper ce genre d'attentats», a déclaré le sénateur du Tennessee, Bob Corker, nouveau président de la Commission des affaires étrangères au Sénat.

Surveillance des musulmans

Selon le représentant de New York, Peter King, l'attentat perpétré par les frères Kouachi démontre également la nécessité de rétablir l'unité de la police de New York consacrée à la surveillance des musulmans de la région. En avril dernier, face aux polémiques suscitées par la révélation de l'existence de cette unité, le NYPD a mis fin à ses activités, qui violaient les libertés civiques, selon ses critiques.

Peter King, Bob Corker et cie tiennent un discours qui peut sembler contradictoire. Ils défendent aujourd'hui la liberté d'expression, tout en préconisant des politiques susceptibles de bafouer d'autres droits constitutionnels.

Mais le représentant de New York n'a pas d'états d'âme.

«Nous devons ignorer le New York Times [...] et les tenants de la rectitude politique qui disent que nous ne pouvons pas cibler une communauté en particulier», a déclaré Peter King en appelant à une plus grande surveillance des «endroits» d'où émane la menace terroriste.

Si Ted Cruz, John McCain et Peter King sont Charlie, ce n'est peut-être pas comme d'autres qui défilaient dimanche à Paris ou à Montréal.