Il porte une pièce d'un cent, rouge, à la boutonnière, à la place du drapeau américain. Tout le programme de Rand Paul tient dans cette pièce de cuivre : fin des déficits, et soumission implacable à la Constitution.

«Ça veut dire : pas un cent de plus dans le rouge», a expliqué le docteur Rand Paul après son élection au Sénat, en 2010. «C'est le Tea Party de Louisville qui l'a créé, pour dire : nous n'avons plus un seul centime rouge à donner à Washington».

Le sénateur, 51 ans, est l'un des républicains bien placés pour les primaires présidentielles de 2016. Avant une déclaration probable au printemps, il a déjà annoncé, mardi, qu'il serait candidat à un second mandat sénatorial la même année.

Il y a cinq ans, seule une poignée de militants ultraconservateurs du Tea Party avaient entendu parler de cet ophtalmologiste installé à Bowling Green, 61 000 habitants, dans le Kentucky, au centre du pays. Ils ne le connaissaient d'ailleurs que par son père, Ron Paul, représentant texan, trois fois candidat à la présidentielle, pourfendeur de l'État providence, à qui il doit son éducation politique.

«Mon père a toujours été mon père, et mon héros politique», raconte Rand Paul dans Le Tea Party débarque à Washington, publié en 2011 (The Tea Party goes to Washington).

Le Tea Party au Sénat

«J'ai été Tea Party avant que le Tea Party ne soit cool», écrit-il. Quand il arrive au Sénat, en janvier 2011, le «nouveau» multiplie les coups d'éclat. «Le président Rand Paul» fait la couverture de The New Republic dès juin 2013. «L'homme politique le plus intéressant», affirme Time en octobre 2014.

Sa notoriété est dopée par une intervention de 13 heures, en mars 2013, pour bloquer la confirmation du directeur de la CIA. Sa véhémence contre les abus de l'Agence nationale de sécurité (NSA) est applaudie par les défenseurs des libertés individuelles.

Le républicain se définit comme «républicain libertaire» ou «conservateur constitutionnel» : il dénonce les abus de pouvoir de l'État fédéral, qu'il veut réduire à ses fonctions régaliennes et énoncées dans la Constitution, excluant par exemple l'Éducation.

Rand Paul arrose toute la classe politique : démocrates et républicains sont coresponsables du gouffre des finances publiques américaines.

En politique extérieure, il déplore l'invasion de l'Irak en 2003, méprise les néoconservateurs, et traite Hillary Clinton de va-t-en-guerre. Mais il rejette l'étiquette isolationniste. Dans une synthèse fragile, il cite Reagan et défend une approche réaliste et «moins agressive», dans un entretien à l'AFP en 2013.

Mais il ne franchit pas certaines lignes rouges. Alors qu'il proposait en 2011 de supprimer toute aide étrangère, il y est aujourd'hui favorable à Israël. Son rival Marco Rubio l'a accusé, sans le nommer, de soutenir l'opération militaire contre l'organisation État islamique... depuis que l'opinion américaine la soutient.

«Paul change de position toutes les heures», s'est moqué le porte-parole du parti démocrate, Michael Czin.

Minorités

Les démocrates contestent la sincérité de son engagement dans la défense des droits civiques : il prône une réforme pénale pour enrayer le cycle prison-chômage-pauvreté qui brise les jeunes Noirs et milite contre les peines planchers, pour la restauration du droit de vote des personnes condamnées après des délits non violents, et la purge des casiers judiciaires pour favoriser le réemploi.

«Nous devons admettre que la couleur joue encore un rôle dans l'application de la loi» aux États-Unis, déplore-t-il.

Un effort à double emploi : l'objectif affiché est aussi de rattraper le retard abyssal des républicains auprès des électeurs noirs. Mais il permet à Rand Paul de présenter un visage nouveau et fidèle aux valeurs fondatrices du parti, dit-il en 2013 aux étudiants noirs de l'Université Howard à Washington : «Le moment venu, j'espère que les Afro-Américains considéreront à nouveau le parti de l'émancipation, des libertés civiques et de la liberté individuelle».