Déterminé à se passer du Congrès dont il dénonce l'inaction, le président américain Barack Obama devait annoncer jeudi une série de mesures offrant un répit à plusieurs millions de sans-papiers menacés d'expulsion.

Un peu plus de 11 millions de personnes, dont une grande partie de Mexicains, vivent et travaillent clandestinement aux États-Unis. Depuis les régularisations massives de 1986, sous Ronald Reagan, toutes les tentatives de réforme du système d'immigration ont échoué.

M. Obama, qui avait fait de ce dossier l'une de ses priorités lors de son arrivée au pouvoir en 2009, a décidé, à deux ans de son départ de la Maison-Blanche, de trancher par décrets. Il devait s'exprimer à 20 h pour détailler ses propositions.

«Tout le monde est d'accord pour dire que notre système d'immigration ne fonctionne plus», a-t-il souligné dans une vidéo diffusée sur Facebook, promettant des mesures concrètes pour répondre à une situation qui s'est «envenimée depuis trop longtemps».

Les clandestins vivant depuis au moins cinq ans aux États-Unis et n'ayant pas d'antécédents judiciaires pourraient, sous certaines conditions, réclamer un permis de travail provisoire.

Par ailleurs, le programme offrant des permis de séjour temporaires aux mineurs arrivés sur le territoire américain avant l'âge de 16 ans, dont 600 000 personnes ont déjà bénéficié, pourrait être élargi. Au total, de trois à cinq millions de personnes devraient être concernées.

Si nombre de prédécesseurs de Barack Obama, démocrates comme républicains, ont utilisé leurs pouvoirs exécutifs pour accorder des régularisations à certaines catégories de sans-papiers, jamais des décisions d'une telle ampleur n'avaient été envisagées.

Les républicains, très remontés, dénoncent une initiative en rupture avec la tradition démocratique américaine, un élu évoquant même le «diktat d'un empereur». Certains mettent en doute la constitutionnalité d'une telle décision, d'autres réclament plus de temps pour que le Congrès se penche sur le sujet.

«C'est risible», répond le sénateur démocrate Robert Menendez. «C'est le même parti républicain qui refuse de bouger sur une réforme de l'immigration depuis 2006», ajoute-t-il, jugeant qu'il existe un antidote aux inquiétudes de ses adversaires politiques sur les décisions présidentielles : «Voter une loi».

Selon un sondage réalisé pour NBC/Wall Street Journal, 48 % des Américains désapprouvent la démarche du président sur ce dossier, contre 38 % qui y sont favorables.

«Familles brisées»

La tempête politique que cette annonce a déclenchée augure mal des relations entre le Congrès et la Maison-Blanche sur les mois à venir. La donne politique vient en effet de changer à Washington après la large victoire des républicains lors des élections des législatives de mi-mandat.

Désormais majoritaires à la Chambre des représentants comme au Sénat, ces derniers ne peuvent bloquer un décret présidentiel, mais ils disposent de nombreuses armes pour rendre les deux dernières années d'Obama à la Maison-Blanche difficiles.

Ils pourraient par exemple décréter une trêve des confirmations d'ambassadeurs, juges et responsables de l'administration nommés par le président américain, freinant ainsi le travail de l'exécutif. C'est la voie que préconise le sénateur texan Ted Cruz, farouche opposant de Barack Obama, qui voit dans cette «amnistie illégale» un «caprice du président».

Mais ce proche du Tea Party est loin de faire l'unanimité. Et à l'approche des primaires en vue de la présidentielle de 2016, le débat s'annonce animé au sein d'un parti qui aimerait séduire une partie de l'électorat hispanique, qui a voté à plus de 70 % pour Barack Obama.

Pour le New York Times, les annonces présidentielles sont d'abord une victoire «du bon sens sur la cruauté, de la force du droit sur le statu quo chaotique».

«Des années ont été perdues, un nombre incalculable de familles ont été brisées pendant que M. Obama s'accrochait à une vaine stratégie visant à essayer d'arracher un accord aux républicains», écrit le quotidien dans son éditorial. «C'est une bonne chose qu'il tourne finalement la page».