Tout compte fait, Barack Obama n'aura pas à utiliser son veto pour bloquer le projet Keystone XL. Du moins, pas tout de suite.

Lors d'un vote très attendu aux États-Unis comme au Canada, le Sénat américain a refusé mardi soir, par 59 voix contre 41, d'ouvrir la voie à l'adoption d'un projet de loi autorisant la construction de l'oléoduc controversé. C'était une voix de moins que les 60 nécessaires pour franchir cette étape cruciale.

Le vote du Sénat signifie que le président américain n'aura pas besoin de mettre à exécution sa menace à peine voilée d'opposer son veto à un texte de loi qui avait déjà été adopté vendredi dernier par la Chambre des représentants.

Ce n'est cependant que partie remise. En janvier, les républicains entendent profiter de leur nouvelle majorité au Sénat pour remettre à l'ordre du jour le projet Keystone XL, qui doit permettre d'acheminer le pétrole extrait des sables bitumineux du Canada vers le golfe du Mexique.

Cette fois-ci, les partisans du pipeline devraient pouvoir réunir le nombre de voix requis pour approuver un texte donnant le feu vert à la construction de l'oléoduc.

Le président Obama pourrait alors changer son approche et choisir d'utiliser le pipeline comme outil de marchandage pour arracher l'appui des républicains à un projet qui lui est cher.

Réaction prudente à Ottawa

L'incertitude sur la suite du la long feuilleton de l'oléoduc Keystone XL explique la réaction prudente du gouvernement canadien au résultat du vote de mardi soir.

«Nous continuerons à appuyer cet important projet qui favorisera la création d'emplois, la sécurité énergétique et la saine gestion de l'environnement des deux côtés de la frontière», a affirmé Carl Vallée, proche collaborateur du premier ministre Stephen Harper.

«Le projet Keystone XL jouit d'un vaste appui de la population. Le département d'État américain lui-même a, à de nombreuses reprises, reconnu qu'il s'agit d'un projet sain sur le plan environnemental», a-t-il ajouté.

Les environnementalistes n'ont pas, de leur côté, caché leur satisfaction après le vote au Sénat.

«Nous applaudissons les sénateurs qui ont défendu la santé de nos familles et de notre climat en écartant cette diversion financée par ce gros pollueur, a déclaré Michael Brune, directeur du Sierra Club. Depuis le tout début, la décision sur le pipeline appartient au président Obama, et il a répété qu'il rejettera ce pipeline s'il contribue à la crise du climat. Comme il n'y a aucun doute que ce soit le cas, nous avons toujours confiance que c'est exactement ce qu'il fera.»

Une première

C'était la première fois que le Sénat votait sur le projet Keystone XL depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche. Jusque-là, Harry Reid, chef de la majorité démocrate à la Chambre haute, s'était refusé à tenir un vote sur le sujet. Il a cependant changé de position après les élections de mi-mandat, histoire d'aider Mary Landrieu, sa collègue démocrate de la Louisiane. Celle-ci risque d'être battue par le représentant républicain Bill Cassidy au deuxième tour de l'élection sénatoriale de son État, qui aura lieu le 6 décembre.

Le représentant Cassidy est l'auteur du texte adopté par la Chambre. Comme la sénatrice Landrieu, il a fait valoir que la construction du pipeline créera des emplois et augmentera le volume de pétrole brut traité dans les raffineries de l'État.

À la veille du vote, Mary Landrieu pouvait compter sur le vote de 59 sénateurs en faveur de l'oléoduc. Ses chances de trouver une 60e voix se sont évaporées au milieu de la journée lorsque le sénateur indépendant du Maine, Angus King, a annoncé son intention de voter contre le projet de loi.

«Il ne revient pas au Congrès de légiférer sur un projet de construction», a déclaré le sénateur dans un communiqué.

«Et même si je suis frustré par le refus du président de prendre une décision sur l'avenir du pipeline, je ne crois pas que court-circuiter le processus pour contourner l'administration soit dans le meilleur intérêt du peuple américain», a-t-il ajouté.

Barack Obama avait laissé entendre au cours des derniers jours qu'il était prêt à mettre son veto à tout projet de loi autorisant la construction de l'oléoduc.

Il avait mis en doute les retombées économiques et énergétiques du pipeline, tout en rappelant ses inquiétudes sur l'impact du projet sur le climat. Et il avait fait référence au recours intenté au Nebraska contre le tracé de l'oléoduc.

La plus haute instance judiciaire de cet État devrait rendre sa décision en janvier.

«Nous allons laisser le processus se dérouler normalement», a déclaré le président Obama dimanche lors d'une conférence de presse à Brisbane, en Australie, où il venait de participer au sommet du G20.

- Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance, à Ottawa