Malgré sa spectaculaire victoire aux élections de mi-mandat mardi, le parti républicain reste divisé entre un courant modéré et l'aile du Tea Party, convaincue que l'intransigeance est la seule stratégie gagnante à long terme.

Pour comprendre l'état d'esprit des ultra-conservateurs, il faut écouter l'animateur radio Mark Levin, dont l'émission quotidienne de trois heures est l'une des plus écoutées du pays.

Alors que les républicains fêtaient les résultats électoraux mercredi, Mark Levin était livide. L'avocat constitutionnaliste venait d'entendre le nouvel homme fort du Sénat, le républicain Mitch McConnell, promettre aux Américains qu'il n'y aurait plus de conflit budgétaire au point de mettre les fonctionnaires fédéraux au chômage technique: pas de «shutdown».

En octobre 2013, pendant 16 jours, l'État fédéral avait mis la clé sous la porte, car le Congrès, en raison de l'obstruction du Tea Party, n'avait pu voter un budget en temps et en heure. L'épisode avait marqué au fer rouge les chefs du parti.

«La paralysie budgétaire n'a eu absolument aucune conséquence!» s'emporte Mark Levin, qui en veut pour preuve que les républicains n'ont jamais gagné autant de sièges depuis des décennies. «Et voilà que les chefs républicains s'enfuient et se mettent à en avoir peur... Mais comment allons-nous remettre de l'ordre dans nos finances si on n'utilise pas le pouvoir budgétaire?»

La colère est un indicateur des divisions qui restent profondes entre l'establishment républicain, réélu depuis des décennies, et les porte-flambeaux du Tea Party dépêchés à Washington pour couper dans les dépenses, réduire le rôle de l'État, et dire non à Barack Obama.

L'establishment pensait avoir brisé la faction. Après le désastre du «shutdown», les sondages avaient fait plonger la cote du Tea Party. Puis, lors des primaires du parti au printemps, les radicaux du Tea Party avaient été évincés, conformément au pronostic de Mitch McConnell, symbole de l'establishment.

Bras de fer chez les républicains

Mais les partisans du Tea Party jugent qu'ils ont gagné la bataille des idées, et que l'obtention d'une majorité historique au Congrès valide leur stratégie. Ils réclament plus de confrontation, moins de compromis, quitte à ce que les deux prochaines années aggravent l'impasse politique.

«Il est temps que les républicains s'unissent, parlent d'une seule voix, défendent leurs principes», a déclaré, défiant, le sénateur texan Ted Cruz, meneur du Tea Party au Congrès. Sa priorité: l'abrogation totale de la réforme du système de santé de Barack Obama, «Obamacare».

L'abrogation n'a aucune chance d'entrer en vigueur, face au veto certain du président. Mais le geste lui servirait de gage de pureté idéologique pour mobiliser la base à la présidentielle de 2016.

Les conservateurs comme Ted Cruz, prétendant officieux à la Maison-Blanche, répètent souvent que les deux dernières présidentielles (2008 et 2012) ont été perdues, car le parti avait fait l'erreur d'investir des candidats trop centristes, John McCain et Mitt Romney.

«On sait que ce sera un Congrès très, très conservateur, plus que dans le passé», dit Norman Ornstein, du groupe de réflexion American Enterprise Institute, à l'AFP. «Mais on ignore s'ils accompliront quoi que ce soit de substantiel».

En 2013 «Ted Cruz a déchaîné les enfers et paralysé le Sénat, et il ne regrette rien», dit à l'AFP Steffen Schmidt, professeur à l'Iowa State University. «Il est fier d'avoir résisté aux démocrates, à l'establishment et aux chefs de son propre parti, et je ne pense pas qu'il va changer de ligne».

Mais l'inaction représente un risque stratégique pour les républicains qui veulent prouver qu'ils sont un parti de gouvernement responsable, et voient plus loin que les primaires de 2016.

«Quand les Américains choisissent de diviser le pouvoir, cela ne veut pas dire qu'ils veulent qu'on ne fasse rien», a déclaré Mitch McConnell.

Le poids du Tea Party a été dilué mécaniquement dans la majorité républicaine accrue à la Chambre. Et les nouvelles recrues du Sénat n'ont pas dit s'ils comptaient suivre la ligne dure de Ted Cruz.

La capacité du parti à unifier ses troupes sera mise à l'épreuve rapidement. Des lois budgétaires pour 2015 et 2016 doivent être adoptées dans les prochains mois.