Six ans après l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, les Américains s'apprêtaient à le sanctionner mardi lors d'élections de mi-mandat qui pourraient donner aux républicains le contrôle total du Congrès des États-Unis, pour la première fois depuis 2006.

La journée d'élections a commencé à 6 h dans plusieurs États de la côte Est, pour des élections générales qui renouvelleront les 435 sièges de la Chambre des représentants, 36 des 100 sièges du Sénat, 36 des 50 gouverneurs d'États, et une partie des élus locaux. Des dizaines de référendums et consultations se tiennent également dans les États.

> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu

Les républicains renforceront leur majorité à la Chambre, selon le consensus des sondeurs, et ils ont au moins 70 % de chances de devenir majoritaires au Sénat, selon les prévisionnistes de FiveThirtyEight.com et du New York Times. Les démocrates pourraient remporter quelques sièges de gouverneurs.En cas de défaite législative, Barack Obama subirait le même sort que tous ses prédécesseurs depuis Ronald Reagan, en devant terminer son mandat à la Maison-Blanche avec les deux chambres du Congrès contrôlées par le parti adverse.

«On a besoin de changer de politique», témoignait Charles Kaster, ouvrier, venu voter tôt à Berryville, en Virginie. «On leur a donné six ans et ça n'a pas l'air de vraiment fonctionner, il est temps de passer à quelqu'un d'autre».

«Un parfum de victoire»

Les premières tendances pour le Sénat pourraient être connues après la fermeture des bureaux de vote dans le Kentucky (18 h pour la plupart), en Géorgie (19 h), puis en Caroline du Nord (19 h 30) et dans le New Hampshire (20 h), deux États actuellement dans la colonne démocrate. Mais la soirée électorale pourrait être longue, sans compter la possibilité de seconds tours en Louisiane et Géorgie, respectivement le 6 décembre et le 6 janvier.

Jusqu'à la veille des élections, les sondages restaient serrés tout en plaçant les républicains en tête dans suffisamment de sénatoriales pour donner au parti les six sièges qui lui manquent pour atteindre la majorité absolue de 51 sièges. Le pays aura les yeux rivés sur 10 sénatoriales clés, dont sept dans des États perdus par Barack Obama en 2012.

La relative impopularité du président américain a handicapé les sénateurs démocrates élus en même temps que lui en 2008 dans des États conservateurs (Louisiane, Arkansas, Alaska, Caroline du Nord). Ils craignent l'abstention de leur électorat, notamment des 18-24 ans, qui furent trois fois moins nombreux à voter en 2010 que les plus de 65 ans, coeur de l'électorat conservateur.

Rien ne semble doper le moral des Américains, déprimés par quatre ans de paralysie politique au Capitole, à tel point que 40 % d'entre eux ne voient pas de différence entre un Congrès dominé par les démocrates ou par les républicains, selon un sondage Gallup.

Ni la baisse du chômage à 5,9 %, au plus bas depuis six ans, ni la robuste croissance, 3,5 % au troisième trimestre, ne sont mises au crédit de Barack Obama. Sa réforme du système de santé a permis à des millions d'Américains de souscrire une couverture maladie, mais l'Obamacare reste la cible favorite des conservateurs et du Tea Party.

L'accumulation de controverses et scandales (révélations sur l'agence d'espionnage NSA, ciblage politique par le fisc, dysfonctionnements des hôpitaux militaires, afflux d'immigrés clandestins à la frontière mexicaine, contaminations d'infirmières américaines par l'Ebola), et de crises à l'étranger (Ukraine, Syrie et Irak) n'ont fait que renforcer la perception d'un manque de «leadership» à la Maison-Blanche.

«Si les démocrates dépassent les attentes et gardent le Sénat, cela signifie que la composition démographique des États-Unis ne correspond pas au parti républicain dans sa forme actuelle», analyse Daniel Paul Franklin, professeur à l'Université d'État de Géorgie. «Si les républicains font mieux que prévu, et gagnent largement le Sénat, il va falloir que les démocrates repensent sérieusement leur politique, y compris Obamacare».

Les républicains se disaient prudemment optimistes à quelques heures du verdict. «Il y a un parfum de victoire dans l'air», a affirmé lundi le sénateur sortant du Kentucky Mitch McConnell, qui deviendrait chef de la nouvelle majorité en cas de victoire.

Marijuana, avortement et chasse à l'ours

Avortement, marijuana, mariage homosexuel, OGM, ou encore chasse à l'ours : les Américains vont devoir se prononcer sur tout un tas de sujets, sérieux ou beaucoup moins, mardi en marge des élections de mi-mandat au Congrès.

En plus de voter pour le renouvellement du Congrès ou dans certains États pour élire un gouverneur, beaucoup de propositions d'électeurs à visées réglementaires font l'objet de référendums mardi.

Faut-il légaliser la marijuana? Quatre États (Alaska, Floride, Colorado et Washington) seront sondés mardi, que ce soit, selon les cas, pour autoriser sa possession, sa vente, sa culture, ou sa consommation à des fins récréatives ou médicales.

Il est toujours interdit selon la loi fédérale de consommer, vendre ou posséder du cannabis, mais une vingtaine d'États américains l'ont déjà complètement ou partiellement dépénalisé.T

Le mariage homosexuel, dont la tendance est aussi à la légalisation aux États-Unis, fera l'objet d'un référendum en Arizona, qui avait amendé sa constitution pour l'interdire il y a cinq ans.

Autre question brûlante, l'augmentation du salaire minimum, fixé à l'heure actuelle à 7,25 $ l'heure par l'État fédéral, fera l'objet de scrutins dans cinq États (Arkansas, Alaska, Illinois, Nebraska et Dakota du Sud) et une vingtaine de circonscriptions.

Toujours dans le domaine des questions de société, les habitants du Colorado, du Dakota du Nord et du Tennessee doivent se prononcer sur des mesures visant à restreindre le droit à l'avortement. Dans les deux premiers, des référendums cherchent notamment à considérer le foetus comme une «personne».

Le droit de porter des armes à feu sera aussi en question mardi en Alabama, Missouri, et dans l'État de Washington, où deux référendums se contredisent : l'un pour rendre plus difficile l'accès aux armes avec une vérification des antécédents généralisée, un autre visant à interdire cette même démarche.

Huit circonscriptions se prononcent aussi sur des propositions anti-fracturation hydraulique, une technologie qui permet d'extraire du gaz ou pétrole de schiste de roches poreuses. Elle a dopé la production d'hydrocarbures aux États-Unis, mais est accusée d'être très polluante.

Plusieurs circonscriptions et États se prononcent par ailleurs sur des mesures anti-OGM. Des référendums en Oregon et dans le Colorado, deux États de l'Ouest américain, veulent notamment rendre obligatoire l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés.

Pizzas froides

Les avocats de l'étiquetage font toutefois face aux puissants groupes d'agrochimie comme DuPont, qui ont dépensé de millions de dollars pour contrer ces propositions.

Côté santé, l'Arizona affichera sur son scrutin mardi une mesure proposant d'autoriser les malades «en phase terminale» à avoir accès à des traitements expérimentaux.

Plus insolite, en Californie, une mesure sera proposée à San Francisco et à Berkeley pour imposer une taxe de 1 cent par centilitre pour les boissons sucrées, ses défenseurs faisant valoir que «la consommation de boissons sucrées est liée à de sérieux problèmes de santé».

Le magazine Time affirme toutefois que l'industrie agroalimentaire a dépensé «plus de 10 millions de dollars pour convaincre les enclaves libérales de San Francisco et Berkeley de voter contre».

Le parti libertaire (Libertarian) s'y oppose aussi, promettant une série de conséquences néfastes si cette mesure était adoptée et agitant le spectre de «la contrebande, l'évasion fiscale et la violence» que, selon lui, l'augmentation des taxes sur les cigarettes a entrainées.

Les électeurs d'Alaska seront pour leur part consultés sur une proposition pour interdire des projets miniers... s'ils s'avèrent dangereux pour les saumons sauvages.

Toujours pour la protection des animaux, les électeurs du Maine devront dire s'ils soutiennent ou non une proposition cherchant à bannir les appâts pour chasser les ours bruns, et en particulier... l'utilisation de pizzas froides et de beignets.

À l'inverse, les électeurs du Michigan seront sondés sur une proposition pour établir des saisons pour la chasse au loup.

Enfin, dans la puritaine «Bible belt», les électeurs d'Arkansas devront dire s'ils sont pour ou contre l'autorisation de produire et vendre de l'alcool dans tout cet État où certaines zones sont dites «sèches» et où l'alcool est toujours prohibé.

-Avec Veronique DUPONT

PHOTO CHRIS KEANE, REUTERS

Des électeurs font la file avant l'ouverture des portes, à 6h, de l'Église presbytérienne Grove à Charlotte, en Caroline du Nord, où ils enregistreront leur vote.