Le silence est assourdissant au sein de la droite américaine alors que le mariage gai a franchi lundi une étape historique en devenant légal dans une majorité d'États. Beaucoup de conservateurs considèrent le combat pour le «mariage traditionnel» quasi-perdu.

La Cour suprême des États-Unis a donné un feu vert par défaut lundi à l'extension prochaine du mariage pour les couples de même sexe à 30 des 50 États américains, contre 19 auparavant. Les juges ont en effet décidé de ne pas se saisir de requêtes en annulation de jugements de cours inférieures légalisant le mariage.

Et mardi, une Cour d'appel fédérale a balayé l'interdiction des unions de personnes de même sexe dans cinq États supplémentaires (Nevada, Idaho, Alaska, Arizona et Montana).

«La discrimination intentionnelle en fonction du genre par des autorités de l'État est en infraction avec la clause de protection égale» du 14e amendement de la Constitution américaine, a estimé la juridiction.

Désormais, 35 États - où habitent 64% de la population américaine - autorisent le mariage des couples de même sexe.

Les réactions des organisations chrétiennes conservatrices furent immédiates lundi après la décision de la Cour suprême. Affligées, elles ont dénoncé la réécriture par quelques juges de lois approuvées par référendum ou par les assemblées locales.

Contre ce qu'elle qualifie d'activisme judiciaire, l'Organisation nationale pour le mariage (NOM) a appelé les électeurs à contredire les juges dans les urnes en élisant des parlementaires qui réécriront la Constitution des États-Unis pour définir le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme. Un appel assorti d'un avertissement à leurs alliés historiques: les républicains.

«Nous exhortons les républicains à demander des comptes aux dirigeants de leur parti et exiger qu'ils restent fidèles à leur conviction que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, ce qui était un pilier de la création du parti en 1856», a déclaré Brian Brown, le président de NOM.

Le président de la Coalition Foi et Liberté, Ralph Reed, veut lui croire que la décision ne fera que mobiliser les électeurs aux législatives de novembre et à la présidentielle de 2016.

Au Congrès, les parlementaires républicains ayant réagi à la décision de la Cour suprême se comptent sur les doigts d'une main et sont notamment issus de la mouvance ultra-conservatrice du Tea Party.

«Stupéfiant» et «tragique», a déclaré le sénateur texan Ted Cruz, prétendant non déclaré à la Maison-Blanche. «Le mariage est une compétence qui appartient aux États», selon lui. «C'est pourquoi (...) je déposerai un amendement à la Constitution pour empêcher le gouvernement fédéral ou la justice d'attaquer ou d'abroger les lois des États sur le mariage».

«C'est la loi» 

Mais ses collègues préféraient continuer à faire campagne pour les législatives de novembre et s'abstenaient pour la plupart de commenter.

«Il est évident, après la décision de la Cour, que c'est désormais légal», a simplement dit, selon le New York Times, Ed Gillespie, candidat républicain au Sénat en Virginie, l'un des États qui a commencé à autoriser les mariages gais lundi.

Les gouverneurs républicains des États affectés se sont résignés à appliquer le droit.

Partie terminée? «Je pense que oui», concluait Brit Hume, expert politique maison de la chaîne conservatrice Fox News.

La résignation tranche avec le consensus anti-mariage homosexuel qui dominait autrefois la classe politique américaine.

En 1996, le Congrès adoptait à une écrasante majorité la loi de défense du mariage, interdisant par avance à l'État fédéral de reconnaître un jour les mariages homosexuels (loi abrogée partiellement en 2013 par la Cour). L'actuel vice-président Joe Biden et la plupart des démocrates votaient pour, avec le soutien de Bill Clinton.

Après la première légalisation du mariage par la justice du Massachusetts, en 2004, ce consensus s'érode. Des parlementaires républicains tentent d'amender la Constitution fédérale pour empêcher les États de suivre l'exemple du Massachusetts, mais ne parviennent pas à s'imposer.

«Tout le monde me critiquait à l'époque pour essayer de le faire», racontait, amer, l'ancien sénateur Rick Santorum à la conférence de l'organisation chrétienne Family Research Council fin septembre à Washington. «Tout le monde disait que c'était prématuré (...) et que ce ne serait jamais un problème».

Désormais, des candidats républicains au Congrès sont ouvertement gais, quatre sénateurs républicains sont favorables au mariage pour tous, rejoignant 41% des sympathisants républicains dans le pays, selon un sondage CBS/New York Times de septembre.

A la même conférence chrétienne, l'égérie républicaine chrétienne Michele Bachmann donnait le coup de grâce en lâchant au journaliste radio Michelangelo Signorile que le mariage «n'était pas un sujet des prochaines élections».

«En fait, c'est ennuyeux», lui a-t-elle dit.