Elle partage avec le polémiste français Dieudonné le déshonneur de s'être vu interdire l'entrée au Royaume-Uni. Selon les autorités britanniques, sa présence dans leur pays porterait atteinte au bien public. Elle n'est pas accusée de fomenter la haine des juifs, mais celle des musulmans.

Qui est-elle? Pamela Geller, militante anti-islam et animatrice du blogue Atlas Shrugs, dont les écrits ont été cités dans le manifeste d'Anders Behring Breivik, auteur des attentats d'Utoya et d'Oslo en 2011. Flamboyante et combative, cette New-Yorkaise de 56 ans a notamment retenu l'attention dans sa ville en menant le combat contre la construction d'une mosquée près de Ground Zero.

Et la voici qui récidive à New York avec une campagne publicitaire dénoncée par plusieurs élus et dirigeants locaux de diverses confessions religieuses, dont le maire Bill de Blasio. «Outrageantes, incendiaires et mauvaises», a écrit ce dernier sur Twitter à propos des affiches de Geller qui doivent apparaître aujourd'hui dans deux stations de métro et sur 100 bus de la ville.

L'une des affiches est composée d'une image tirée de la vidéo du groupe État islamique (EI) montrant le journaliste américain James Foley agenouillé et menotté au côté de son assassin, vraisemblablement Abdel-Majed Abdel Bary, tout de noir vêtu et portant une cagoule. Elle contient aussi une photo de ce dernier à l'époque où il était rappeur à Londres. Le tout est coiffé du titre «Le modéré d'hier est la manchette d'aujourd'hui».

Une autre affiche établit un lien entre le Hamas, l'EI, Boko Haram et le CAIR (Conseil sur les relations américano-islamiques), une organisation vouée à la défense des musulmans aux États-Unis. Et une troisième montre une photo d'Adolf Hitler en train de discuter avec Hadj Amin al-Husseini, grand mufti de Jérusalem pendant la Seconde Guerre mondiale. «La haine islamique des juifs: c'est dans le Coran», peut-on lire sur cette publicité.

Le maire de New York et les autres critiques ont-ils semé des doutes dans l'esprit de Pamela Geller sur la pertinence de son action? La Presse lui a posé la question mercredi dernier.

«Je me demande si la décapitation du Français en Algérie leur a fait changer d'avis», a-t-elle répondu du tac au tac en faisant allusion à l'assassinat d'Hervé Gourdel, qui venait tout juste d'être annoncé dans une vidéo diffusée par un groupe lié aux djihadistes de l'EI.

«Le premier ministre français [Manuel Valls] a dit aujourd'hui: "Nos valeurs sont en jeu." Mais où sont nos valeurs quand ceux qui s'opposent à l'idéologie qui a inspiré et commandé une telle barbarie sont diabolisés et condamnés alors que l'idéologie elle-même n'est jamais mise en cause? Y a-t-il une conférence de presse aujourd'hui pour condamner la décapitation d'Hervé Gourdel?»

Pamela Geller n'en est pas à sa première campagne publicitaire controversée à New York. En 2012, l'un des organisations qu'elle dirige (American Freedom Defense Initiative) avait fait paraître dans le métro de New York des affiches ainsi libellées: «Dans toute guerre entre le civilisé et le sauvage, soutenez le civilisé. Soutenez Israël, faites échec au djihad.»

L'Autorité métropolitaine du transport public avait d'abord refusé de diffuser ces affiches, invoquant leur «langage avilissant». Mais un juge new-yorkais l'avait forcée à revenir sur cette décision au nom de la liberté d'expression garantie par le Premier Amendement de la Constitution.

Aujourd'hui comme hier, Pamela Geller se défend de diffamer tous les musulmans dans ses publicités, comme le soutiennent ses critiques.

«De toute évidence, chaque musulman ne veut pas mener ou appuyer le djihad, mais nous n'avons pas à donner une tape dans le dos à chaque musulman qui ne veut pas nous tuer», a-t-elle dit à

La Presse.

Sa «tolérance» des musulmans ne s'étend cependant pas à ceux d'entre eux qui dénoncent sa nouvelle campagne publicitaire, qui coûtera 100 000$ à son groupe. «Des suprémacistes islamiques», dit-elle.

Son opinion de Barack  Obama est à peine meilleure. L'ayant déjà baptisé «Hussein, le mahométan» et qualifié d'«apologiste islamiste», elle n'est guère impressionnée par sa stratégie pour détruire le groupe État islamique.

«Écoutez, c'est sa négligence qui nous a emmenés là où nous sommes, dit-elle. Est-ce que je pense que les frappes aériennes sont un bon départ? Bien sûr. Mais cela ne suffira pas. Larguer des bombes de 10 000 pieds ne détruira pas l'idéologie qui veut conquérir le monde.»

Pamela Geller entend étendre sous peu sa campagne publicitaire à San Francisco et dans plusieurs autres villes américaines.

«Nous voulons avoir cette conversation, aussi hostile soit-elle», dit-elle.