Après ses premières véritables critiques de la politique étrangère de Barack Obama, Hillary Clinton a renoué avec le président, hier soir, à Martha's Vineyard. Ils ont peut-être profité de l'occasion pour faire la paix, mais d'autres accrochages sont à prévoir à l'approche de la prochaine campagne présidentielle.

Dans ses mémoires publiés récemment, Hillary Clinton évoque ses retrouvailles inconfortables avec Barack Obama après les primaires démocrates de 2008: «Nous nous sommes regardés comme deux adolescents gênés à leur première rencontre.»

La même gêne était peut-être au rendez-vous, hier soir, lorsque le président et son ancienne secrétaire d'État se sont retrouvés au domicile d'un confident de Bill Clinton, Vernon Jordan, à Martha's Vineyard, île huppée au large du Massachusetts, où les Obama prennent leurs vacances estivales depuis 2009.

Ce rendez-vous avait été planifié bien avant la publication il y a quatre jours des critiques acérées d'Hillary Clinton au sujet de la politique étrangère de Barack Obama.

Dans un entretien à la revue The Atlantic, l'ancienne secrétaire d'État a d'abord utilisé le mot «échec» en parlant de l'approche du président dans le cas de la crise en Syrie. Selon elle, la décision «de ne pas aider à bâtir une armée crédible avec ceux qui ont été à l'origine des manifestations» anti-Assad «a créé un vide que les djihadistes ont aujourd'hui rempli».

Elle a ensuite reproché au président de fonder sa politique internationale sur un slogan qu'il répète souvent: «Ne pas faire des choses idiotes.»

«Les grandes nations ont besoin de principes directeurs, et «ne pas faire des choses idiotes» n'est pas un principe directeur», a-t-elle déclaré au journaliste Jeffrey Goldberg.

Plusieurs analystes ont vu dans ces déclarations la volonté d'Hillary Clinton de se distancier des aspects les plus négatifs de la présidence de Barack Obama à l'approche de la campagne présidentielle de 2016. Si des conservateurs ont salué ses critiques, certains progressistes y ont réagi de façon beaucoup moins positive.

«Ces déclarations m'ont consterné», a dit à La Presse Michael Cohen, chercheur à la Century Foundation et auteur de Live from the Campaign Trail, un livre sur les plus grands discours de candidats présidentiels au XXe siècle. «Hillary Clinton a tourné le dos à l'élément le plus positif de la politique étrangère de Barack Obama, soit sa répugnance à utiliser la force militaire et sa reconnaissance des limites du pouvoir américain.»

Des proches de Barack Obama ont également protesté.

«Juste pour clarifier: «Ne pas faire des choses idiotes» veut dire des choses comme occuper l'Irak, une décision tragiquement mauvaise», a écrit sur Twitter David Axelrod, stratège de la première campagne présidentielle de Barack Obama.

Il n'a pas eu besoin de rappeler qu'Hillary Clinton avait voté pour la guerre en Irak.

Peut-être pour désamorcer une situation digne de la campagne de 2008, Hillary Clinton a appelé Barack Obama mardi et fait transmettre une déclaration dans laquelle elle se dit fière d'avoir servi aux côtés du président et d'avoir été «son partenaire dans le projet de restaurer le leadership américain et dans la défense des valeurs et des intérêts américains».

Les deux ont peut-être aussi fumé le calumet de paix hier soir à Martha's Vineyard. Mais il faut s'attendre à d'autres accrochages, selon Michael Cohen.

«Clinton sentira sans doute le besoin de prendre ses distances encore davantage avec le président, de créer sa propre identité, a dit le chercheur de la Century Foundation. Je pense qu'elle commettra ainsi une erreur. Elle devance tous les candidats potentiels à la présidence, et sa priorité devrait être de stopper la montée d'un concurrent démocrate. Or, la plupart des démocrates ne sont pas pour une politique étrangère plus musclée. C'est pourquoi ses critiques me stupéfient.»