Les dirigeants des États-Unis et de l'Afrique, réunis en sommet historique à Washington, vont parler mardi commerce et investissements, avec l'espoir pour l'Amérique de refaire une partie de son retard sur l'Europe et la Chine.

Après une première journée lundi consacrée à la démocratie et aux droits de l'homme, le sommet États-Unis/Afrique doit se recentrer sur l'objectif central de cette réunion préparée pendant un an par le président Barack Obama qui voit dans le continent africain la «prochaine +success story+ mondiale».

L'administration américaine et les géants de l'industrie espèrent tisser des liens économiques solides avec l'une des régions les plus prometteuses de la planète au taux de croissance plus élevé que ceux du reste du monde. Le FMI table sur un taux de 5,8% en 2015.

Il faut dire que la première puissance mondiale est largement distancée en Afrique par l'Union européenne, solidement en tête grâce aux liens historiques et coloniaux de certains États membres, et par la Chine qui a soif de matières premières.

En 2013, les échanges commerciaux entre l'Afrique et Pékin ont atteint 210 milliards de dollars, contre 85 milliards de dollars entre Washington et les pays africains.

Le secrétaire d'État John Kerry n'y est pas allé par quatre chemins lundi: «Je le dis sans complexe: nous voulons et nous allons travailler dur pour que davantage d'entreprises américaines investissent en Afrique».

«Nous voulons également qu'il y ait plus d'entreprises africaines qui investissent ici, aux États-Unis, et il n'y a pas de raison qu'elles ne le puissent pas», a martelé le ministre des Affaires étrangères.

Le président Obama, son prédécesseur Bill Clinton, John Kerry et un aréopage de capitaines d'industrie (General Electric, Coca-Cola, Walmart) devraient s'exprimer mardi devant le forum des Affaires USA-Afrique.

«La croissance est là, maintenant, et pour de vrai. Il n'y a aucune raison que les milieux d'affaires américains ne rattrapent pas» leur retard, a lancé le patron de General Electric Jeffrey Immelt.

«Ils sont venus et ont investi»

Mais même des responsables officiels américains reconnaissent que le principal outil d'échanges entre l'Amérique et l'Afrique - l'Agoa (African Growth and Opportunity Act) - n'est plus adapté. Ce programme américain accordant des avantages commerciaux à certains produits africains date de 2000 et doit en principe être renouvelé en 2015.

«Il est clair que l'Afrique de 2014 n'est pas l'Afrique de 2000», a reconnu le représentant américain au Commerce Michael Froman.

«Beaucoup d'entre vous se détournent de ce système unilatéral d'avantages et scellent des accords avec des partenaires commerciaux, comme le fait l'Union européenne», a-t-il dit devant des chefs d'entreprise.

Mais il faudra aussi rompre avec une image de l'Afrique trop souvent associée «aux conflits, à la maladie et la pauvreté», comme l'a reconnu Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, admettant que les Américains avaient «encore beaucoup de travail pour faire évoluer une vision dépassée dans laquelle l'Afrique est souvent marginalisée».

Des entrepreneurs africains dénoncent aussi les vieux stéréotypes qui ont la vie dure aux États-Unis.

«Je suis un peu surpris par tous ces Africains que j'ai rencontrés dans l'avion (...) venant en Amérique pour dire à des hommes d'affaires chevronnés "eh vous savez, il y a de bonnes opportunités en Afrique"», a ainsi ironisé le magnat des télécoms Mo Ibrahim, d'origine soudanaise et devenu l'un des premiers milliardaires africains.

«Partout en Afrique il y a des hommes d'affaires chinois, brésiliens. Aucun d'entre nous n'est allé au Brésil, en Asie ou en Chine pour leur demander de venir et d'investir en Afrique. Ils se sont débrouillés, ils sont venus et ont investi», a conclu l'entrepreneur.

La Tunisie, une «balise d'espoir» dans le monde arabe

Le secrétaire d'État américain John Kerry a jugé lundi que la Tunisie représentait «un modèle d'espoir» dans le monde arabe pour sa transition démocratique et a promis le soutien des États-Unis contre le risque extrémiste islamiste.

«La Tunisie est une balise d'espoir parce qu'elle traverse une transition démocratique et tient bon», s'est félicité M. Kerry en recevant son homologue Mongi Hamdi. La Tunisie «a réussi à relever des défis difficiles, mais elle a besoin d'aide», a encore plaidé le secrétaire d'État.

Le chef de la diplomatie tunisienne a lui aussi estimé que son pays était «l'un des modèles d'espoir de la région» et que «si la Tunisie devait échouer, toute la région serait en danger sécuritaire».

Il a notamment exprimé auprès de John Kerry son inquiétude face à la situation en Libye voisine.

Par ailleurs, M. Hamdi a assuré que «l'extrémisme et le terrorisme n'avaient pas leur place en Tunisie» et que Tunis était «déterminé à les combattre».

«Il y a toujours la menace de combattants étrangers revenant de Syrie pour provoquer des troubles dans le pays», a acquiescé John Kerry, promettant «l'appui» de Washington en la matière.

La Tunisie est confrontée depuis la révolution de 2011 à un essor de la mouvance jihadiste. Une cinquantaine de militaires et policiers ont été tués dans des attaques impliquant des groupes armés depuis 2011.