Ce n'est un secret pour personne: les républicains de la Chambre des représentants détestent l'Obamacare de toutes les fibres de leur être. Ils ont d'ailleurs voté plus de 50 fois pour abroger ou changer la réforme phare de Barack Obama. D'où l'étonnement de plusieurs devant leur nouveau combat contre le président démocrate et sa loi.

Il y a un peu plus de deux semaines, le président républicain de la Chambre, John Boehner, a annoncé qu'il intenterait une action en justice contre Barack Obama pour abus de pouvoir. Comme nombre de collègues et militants républicains, il reproche au président une série d'actions qui outrepasse, selon lui, ses prérogatives. Au nombre de ces actions figurent la régularisation temporaire de certains jeunes clandestins en 2012 et la libération récente de cinq dirigeants talibans détenus à Guantánamo.

Or, dans une lettre rendue publique jeudi soir, John Boehner a précisé que sa plainte portera sur un seul et unique sujet: la décision de Barack Obama en juillet 2013 de reporter d'un an l'obligation faite aux employeurs ayant plus de 50 employés de fournir une couverture santé à leurs salariés sous peine d'amende. Il faut rappeler qu'un tel délai avait fait l'objet d'un vote positif à la Chambre auquel le Sénat n'avait pas donné suite.

Autrement dit, le chef des républicains de la Chambre veut aujourd'hui qu'un juge fédéral force le président à appliquer une disposition que ses troupes détestent autant que la loi dont elle est issue.

Confus? Bienvenue dans l'univers singulier du Parti républicain. Depuis plusieurs mois, John Boehner est sur la défensive. Les militants les plus conservateurs l'accusent de faire partie d'un establishment qui favorise le statu quo à Washington. Sa position à la tête des républicains s'est fragilisée encore davantage le mois dernier à la suite de la défaite du numéro deux de la Chambre, Eric Cantor, contre un candidat issu du Tea Party lors d'une primaire en Virginie.

Le président de la Chambre refuse d'établir un lien entre ce contexte délicat et la procédure qu'il veut lancer contre Barack Obama pour ne pas avoir appliqué à la lettre un volet de la loi sur la santé. Dans sa lettre de jeudi, il a affirmé vouloir défendre un principe. «Si ce président peut se permettre de faire ses propres lois, les futurs présidents pourront agir de la même façon. La Chambre a l'obligation de défendre la branche législative, et la Constitution, et c'est exactement ce que nous faisons.»

La Maison-Blanche et ses alliés n'en croient rien. Ils voient plutôt dans l'action de John Boehner une manoeuvre politique destinée à rallier l'électorat républicain à l'approche des élections de mi-mandat, qui auront lieu en novembre. Plusieurs juristes doutent de leur côté qu'un juge veuille s'immiscer dans un conflit entre les branches législative et exécutive du gouvernement. D'autant plus que la Constitution fournit à la Chambre divers moyens de ramener à l'ordre le président, la plus radicale étant la procédure de destitution.

Or, cette procédure, appelée «impeachment», est la voie préférée des républicains les plus radicaux, dont Sarah Palin, qui s'est exprimée sur le sujet dans une tribune publiée la semaine dernière sur le site conservateur Breitbart.com. L'ancienne colistière de John McCain accuse notamment Barack Obama d'avoir délibérément ouvert les frontières de son pays aux immigrés clandestins. Sa tribune a suscité plus de 20 000 commentaires.

Questionnée plus tard sur Fox News à propos de l'action en justice de John Boehner, Sarah Palin a répondu de façon caractéristique: «On ne se présente pas à une fusillade armée d'une poursuite. Les avocats n'ont pas leur place sur le front.»

Le point de vue de la passionaria du Tea Party donne une idée de l'exercice d'équilibriste auquel doit se livrer John Boehner. Le président de la Chambre n'est sans doute pas le seul membre de l'establishment républicain à ne pas vouloir que l'impeachment de Barack Obama ne devienne un thème important de la campagne électorale de 2014. Il se souvient notamment que la procédure de destitution déclenchée en 1998 par la Chambre de Newt Gingrich contre Bill Clinton pour avoir menti sous serment dans l'affaire Lewinsky avait fini par se retourner contre les républicains. Mais son action en justice ouvrira peut-être une porte qu'il ne pourra plus refermer.

La Chambre tiendra une audition mercredi sur la poursuite de John Boehner et devrait y donner son aval à la fin du mois.