La victoire surprise d'un candidat du Tea Party sur un ténor du parti républicain lors d'une primaire en Virginie pourrait, par ricochet, sonner le glas d'un projet phare de Barack Obama: la réforme de l'immigration.

Eric Cantor, numéro deux de la Chambre des représentants, l'un des républicains les plus puissants des États-Unis, a été largement battu à la surprise générale par un illustre inconnu, David Brat.

Au-delà des thèmes récurrents de cette mouvance radicale tels que l'ultra-orthodoxie budgétaire, ce professeur d'économie a largement fait campagne sur l'immigration, décrivant son adversaire comme un partisan d'une «amnistie» générale pour tous les clandestins.

Quelque 11 millions de personnes, en très grande majorité originaire d'Amérique latine, vivent clandestinement sur le sol américain. Leur éventuelle naturalisation est un sujet brûlant. Nombre de républicains réclament, comme préalable à toute avancée sur le sujet, un renforcement de la sécurité à la frontière que les États-Unis partagent avec le Mexique.

«Même avant la primaire d'hier, il y avait peu d'espoir de voir une réforme aboutir. Là, c'est peut-être le coup de grâce», estime Audrey Singer, chercheuse au sein du Metropolitan Policy Program de la Brookings Institution.

Le calendrier électoral, avec l'élection présidentielle de 2016 en ligne de mire, ne devrait pas faciliter la tâche de Barack Obama qui avait fait, en 2008 comme en 2012, de cette thématique l'une de ses grandes promesses de campagne.

Les Américains sont appelés aux urnes en novembre, pour renouveler l'intégralité de la Chambre des représentants et le tiers du Sénat.

Cette dernière assemblée, où les alliés de M. Obama sont majoritaires, a adopté en juin 2013 une réforme de l'immigration qui prévoit en particulier, sous conditions et après un long parcours administratif, une naturalisation pour les clandestins.

Mais la Chambre, actuellement aux mains des républicains, et qui devrait selon toute vraisemblance le rester, refuse de voter cette version du texte.

«Aucune chance d'aboutir»

Politiquement, les républicains se retrouvent cependant dans une situation délicate sur ce dossier. M. Obama s'est largement appuyé sur le vote latino pour accéder à la Maison-Blanche: regagner du terrain au sein de cette minorité apparaît crucial pour l'avenir électoral du parti républicain.

En 2012, le constat fut sans appel: Obama a recueilli 71% des voix au sein de la communauté latino, contre 27% seulement pour son adversaire républicain Mitt Romney.

Nombre d'élus du parti républicain reconnaissent désormais qu'il est illusoire, et politiquement dangereux, de continuer à prêcher pour une expulsion pure et simple de millions de sans-papiers qui remplissent un rôle économique important dans le pays.

Plusieurs de ses grandes figures s'employaient d'ailleurs mercredi à minimiser l'importance que la question de l'immigration a pu jouer dans la défaite inattendue d'Eric Cantor. Ce revers a eu l'effet d'une véritable bombe dans la classe politique américaine.

«Je pense que c'est probablement beaucoup plus compliqué que cela», a réagi le sénateur John McCain. Celui-ci fait partie d'un groupe de poids lourds du Sénat qui s'était prononcé en faveur de la régularisation progressive des sans-papiers.

Et de pointer, comme pour mieux se rassurer, la victoire en Caroline du Sud, face à plusieurs candidats du Tea Party, du sénateur républicain Lindsey Graham, l'un des artisans du projet historique de réforme de l'immigration adopté par le Sénat en 2013, et bloqué à la Chambre.

«Je ne crois pas qu'on puisse en tirer de véritables conclusions», ajoutait en écho le sénateur républicain Jeff Flake.

Cesar Vargas, de la Dream Action Coalition, qui appelle de ses voeux une réforme en profondeur, avait lui une lecture très différente de l'état des forces politiques en présence sur ce dossier épineux.

La victoire du Tea Party «démontre qu'il n'y a aucune chance d'aboutir à quelque chose sur le plan législatif cet été», a-t-il estimé. «Après, il va devenir difficile de faire avancer le dossier avec le début des spéculations autour du prochain président».