Les États-Unis ont affirmé dimanche que l'opération ayant conduit à la libération en Afghanistan du sergent Bowe Bergdahl en échange de cinq prisonniers talibans avait été menée pour «sauver sa vie», les rebelles islamistes revendiquant de leur côté une «grande victoire».

Capturé par les talibans le 30 juin 2009 après sa disparition dans le sud-est afghan, Bowe Bergdahl, 28 ans, a été libéré samedi en échange de cinq anciens cadres du régime taliban emprisonnés à Guantanamo et considérés comme toujours influents au sein de la rébellion.

Cet échange de prisonniers a fait naître l'espoir d'un nouveau départ pour le processus de paix en Afghanistan, aux prises avec une insurrection meurtrière des talibans depuis plus de 12 ans.

Mais cette opération a également fait l'objet de critiques aux États-Unis, où des parlementaires républicains se sont inquiétés de l'éventualité que les talibans libérés retournent au combat.

Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a tenté de justifier l'échange de prisonniers en affirmant que «la sécurité et l'état de santé du sergent Bergdahl étaient menacés».

«Nous avions décidé que si nous trouvions une ouverture, et que nous puissions agir très rapidement, nous devions le sortir de là, d'abord pour sauver sa vie», a dit le responsable américain à des journalistes.

Des dizaines de soldats des forces spéciales américaines, soutenus par des hélicoptères, se sont alors rendus dans l'est afghan pour parachever de longues négociations et récupérer le sergent Bergdahl, selon des responsables américains.

Libération sans violences

«Heureusement, aucun coup de feu n'a été tiré», a assuré le secrétaire à la Défense, qui a effectué dimanche une courte visite surprise sur la base de Bagram, au nord de Kaboul, pour rencontrer l'équipe ayant mené l'opération. «Il n'y a pas eu de violences. Cela ne s'est pas seulement passé aussi bien que nous l'espérions, mais aussi bien que c'était possible».

Chuck Hagel a exprimé le voeu que cette conclusion heureuse puisse être l'amorce d'un renouveau dans le processus de paix en Afghanistan, actuellement au point mort.

«Nous étions engagés (dans un dialogue) avec les talibans jusqu'en 2012. Ils ont rompu ces négociations, nous n'avons aucune relation formelle avec eux depuis», a-t-il expliqué sur la chaîne NBC. «Donc peut-être que (cet échange de prisonniers) sera une nouvelle ouverture qui conduira à un accord».

Cette opération «montre que toutes les parties font preuve de bonne volonté pour construire un climat de confiance et lancer des pourparlers de paix dans un avenir proche», a dit de son côté Ismael Qasimyar, un haut responsable du Haut conseil pour la paix afghan.

De fait, la remise en liberté des cinq talibans était l'une des principales conditions posées par les insurgés aux Américains pour ouvrir de véritables négociations de paix en Afghanistan.

L'échange a pu intervenir grâce à des contacts souterrains qui ont eu lieu au cours de l'année écoulée, selon une source talibane, et à l'intervention du Qatar, engagé depuis des années dans les efforts de réconciliation entre les rebelles et le gouvernement de Kaboul.

Qualifiant la remise en liberté des cinq prisonniers de «grande victoire», le mollah Omar, chef des talibans afghans, a d'ailleurs adressé ses remerciements aux autorités qataries «pour leur médiation».

Les talibans n'ont toutefois fait aucune allusion à une éventuelle reprise des pourparlers de paix, signe du long chemin qui reste à parcourir.

L'échange «n'a pas été fait dans l'optique du processus de paix», a souligné le porte-parole des insurgés, Zabihullah Mujahid. «Il s'agit seulement d'un échange de prisonniers de guerre, cela n'a rien de politique».

Il jouait au badminton avec ses gardiens 

Une source talibane a noté que le projet américain de maintenir des troupes dans le pays jusqu'à la fin 2016 pourrait conduire à un «statu quo», à savoir la poursuite d'un conflit qui a tué près de 3000 civils en 2013, selon des chiffres de l'ONU.

Les cinq anciens cadres talibans sont arrivés dimanche au Qatar, où ils devront rester «un an», ont indiqué des sources qataries en réponse à une question sur les garanties données à Washington pour leur échange contre le soldat américain.

Mais rien ne justifie cette forme d'assignation à résidence, s'est emporté dimanche soir le gouvernement afghan, qui a jugé la procédure illégale de bout en bout.

«L'administration américaine a remis des citoyens afghans au Qatar sans accord préalable du gouvernement afghan, à l'encontre des règles internationales», a déclaré le ministère des Affaires étrangères afghan en réclamant leur «libération».

Le sergent Bergdahl, qui avait été conduit à Bagram après sa libération, est lui arrivé dimanche en Allemagne, a indiqué le centre médical militaire américain de Landstuhl, où il poursuivra son «processus de réintégration», «au rythme qui lui conviendra».

Au cours de sa détention, Bowe Bergdahl, qui était le seul prisonnier américain en Afghanistan, avait été trimbalé d'un endroit à l'autre le long de la frontière afghano-pakistanaise, selon plusieurs sources rebelles.

Le sergent semble avoir fait preuve d'une capacité d'adaptation spectaculaire lors de sa captivité, apprenant les langues locales ou participant à des activités avec ses geôliers, selon un chef rebelle. Ainsi, «il adorait le badminton et jouait toujours avec ses gardiens».