Il devait être le nouveau visage de son parti: un républicain modéré au franc-parler rafraîchissant, dont la réélection en novembre au poste de gouverneur d'un État bleu (la couleur des démocrates) prouvait son attrait et son flair politiques.

Pour accroître sa visibilité et son influence, son parti lui avait offert une précieuse tribune: la présidence de l'Association des gouverneurs républicains. Ce rôle devait lui permettre de voyager partout aux États-Unis, de présenter ses idées aux électeurs de tous les États et d'amasser des fonds électoraux pour ses homologues républicains, qui pourraient l'aider en retour à réaliser son objectif le plus cher: la conquête de la Maison-Blanche en 2016.

> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu

Mais le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, montre ces jours-ci un visage qui pourrait nuire non seulement à ses ambitions présidentielles, mais également à la nouvelle image que le Parti républicain veut se donner. Ses problèmes, faut-il préciser, ne se limitent plus au «Bridgegate», ce scandale d'une mesquinerie épique impliquant une de ses collaboratrices de haut rang et des proches associés qui ont orchestré la fermeture partielle du pont George Washington, le plus achalandé du monde, pour punir le maire démocrate de Fort Lee.

Samedi matin, Dawn Zimmer, mairesse démocrate de Hoboken, une autre ville du New Jersey, a formulé une accusation peut-être encore plus explosive contre Chris Christie. Le gouverneur, par l'entremise de deux collaborateurs de haut rang, aurait menacé de priver Hoboken de l'aide financière fournie aux municipalités frappées par l'ouragan Sandy si la mairesse n'approuvait pas un développement qu'il favorisait.

Lors d'une interview accordée à MSNBC, Dawn Zimmer a affirmé avoir refusé de céder à ce supposé chantage. Résultat, selon ses dires: Hoboken, inondé à 80% par Sandy, n'a reçu que 342 000$ des 100 millions demandés à l'État.

Après l'intervention d'un des collaborateurs de Chris Christie, Dawn Zimmer a exprimé sa déception au sujet du gouverneur dans un journal dont elle a montré des pages à MSNBC. «Je pensais qu'il était quelque chose de différent. Cette semaine, j'ai découvert qu'il était taillé dans la même étoffe corrompue contre laquelle je dois me battre depuis quatre ans», a-t-elle écrit.

Sans nier directement les accusations de Dawn Zimmer, un porte-parole du gouverneur Christie a affirmé que celui-ci avait eu avec la mairesse de Hoboken «une relation productive» et que cette municipalité allait recevoir les fonds nécessaires à la reconstruction de ses infrastructures. Il a en outre décrit MSNBC comme une «chaîne partisane» et «ouvertement hostile au gouverneur Christie».

Des accusations extrêmement «troublantes»

Le président du Sénat du New Jersey, Stephen Sweeney, un démocrate, a néanmoins qualifié les accusations de Dawn Zimmer d'«extrêmement troublantes». Combinées au «Bridgegate», «ces nouvelles allégations suggèrent un mode de comportement par de hauts responsables de cette administration qui est profondément offensant pour les gens du New Jersey», a-t-il dit en promettant de lancer une enquête sur cette affaire.

Le 9 janvier, lors d'une longue conférence de presse, Chris Christie a nié toute implication dans la fermeture de voies du pont George Washington, qui avait provoqué pendant quatre jours, en septembre, des embouteillages monstres à Fort Lee. Plusieurs observateurs ont salué sa performance.

Mais les affaires et les enquêtes se multiplient au New Jersey, et certains républicains ne cachent pas leur inconfort. Ce week-end, par exemple, le gouverneur de la Floride, Rick Scott, dont le siège sera en jeu en novembre, a refusé de se faire voir en public avec son homologue du New Jersey, qui effectuait dans son État son premier voyage à titre de président de l'Association des gouverneurs républicains.

Chris Christie a dû se contenter de rencontrer en privé de riches bailleurs de fonds républicains.

«Si cela continue, il ne pourra pas remplir son rôle de président, qui est de faire la promotion des candidats républicains au poste de gouverneur», a déclaré Larry Sabato, politologue à l'Université de Virginie. «Il ne peut pas aider s'il se rend dans un État, accapare l'attention et génère des manchettes négatives.»

Cela risque fort de continuer. La semaine dernière, 20 membres de l'administration Christie ont reçu des assignations à comparaître devant une commission d'enquête parlementaire sur le «Bridgegate». De son côté, une agence fédérale a ouvert un audit sur un éventuel usage impropre par le gouverneur du New Jersey de fonds destinés à aider son État après Sandy. Et il y a cette histoire de supposé chantage à Hoboken, qui pourrait oblitérer les louanges que Chris Christie s'était attirées pour sa gestion de l'ouragan Sandy, sa carte maîtresse.

Viendra peut-être un jour où même ses défenseurs républicains les plus ardents ne voudront plus voir son visage.