Le secrétaire d'État John Kerry est arrivé samedi au Vietnam pour sa première visite en tant que chef de la diplomatie dans un pays où il a combattu pendant la guerre, exhortant Hanoï à respecter les droits de l'Homme.

Son déplacement au Vietnam, puis aux Philippines, s'inscrit dans la stratégie de rééquilibrage de la politique extérieure américaine vers la zone Asie-Pacifique, promue par le président Barack Obama.

John Kerry, catholique pratiquant, a atterri à Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique du Vietnam (sud), où il a assisté à une messe en la cathédrale Notre-Dame de Saïgon, un geste fort en direction des autorités accusées d'entrave aux libertés religieuses.

«Je ne connais pas deux pays qui aient fait plus d'efforts, et mieux réussi à se rapprocher pour changer l'histoire, et changer l'avenir», a déclaré John Kerry devant un parterre d'étudiants, d'hommes d'affaires et de journalistes dans l'ancienne Saïgon tombée en avril 1975 aux mains du Nord-Vietnam communiste.

Une société plus ouverte

Dans l'ancienne Saïgon tombée en avril 1975 aux mains du Nord-Vietnam communiste, John Kerry a salué la mue économique «extraordinaire» du Vietnam depuis la normalisation des relations il y a deux décennies entre les deux pays dont les échanges commerciaux ont été multipliés par 50 entre 1995 et 2013.

«Le Vietnam a le potentiel pour devenir l'un des principaux partenaires économiques des États-Unis dans la région», a ajouté le diplomate en chef américain.

John Kerry a toutefois estimé qu'une «société plus ouverte» contribuait à la prospérité d'un pays. «Les États-Unis appellent les dirigeants (vietnamiens) à saisir cette opportunité et à protéger les droits» individuels, a-t-il dit.

Des parlementaires américains et l'ONG Human Rights Watch, basée à New York, lui avaient demandé d'aborder la question des droits de l'Homme, suggérant de conditionner aux progrès dans ce domaine la participation du Vietnam au Partenariat trans-Pacifique (TPP), zone de libre-échange à douze pays d'Asie-Pacifique.

John Kerry devait se rendre dimanche dans le delta du Mékong où il a servi sur un bateau-patrouilleur pendant la guerre du Vietnam à la fin des années 1960, une expérience qui a fondé son engagement politique.

Il n'a que 27 ans en avril 1971 lorsqu'il témoigne devant le Sénat pour le convaincre que les États-Unis n'ont rien à faire au Vietnam. «Comment pouvez-vous demander à un homme d'être le dernier à mourir au Vietnam, (...) d'être le dernier à mourir pour une erreur?», lance-t-il alors.

John Kerry a évoqué devant le personnel du consulat de Ho Chi Minh-Ville quelques souvenirs de guerre, dont une soirée passée sur le toît d'un hôtel dans l'ancienne Saïgon en 1969.

Il a évoqué le sentiment d'étrangeté qu'il a ressenti, face à la ville embrasée par les tirs, assis sur le toît de l'hôtel Rex, une bière à la main. «C'était vraiment sinistre. Je ne peux pas décrire à quel point c'était bizarre d'être assis sur le toit d'un hôtel, avec une bière, conversant avec des gens ... pendant que tout autour, on pouvait voir et entendre les bruits d'une guerre», s'est-il souvenu.

C'est à son retour de deux missions de combat qu'il est devenu un ardent militant contre la guerre, qui s'est terminée en 1975.

Kerry reviendra pour la première fois à Hanoi en 1991 en tant que membre du Congrès et du comité des prisonniers de guerre et disparus en mission (POW/MIA).

«Une Chine de plus en plus agressive»

Après des entretiens à Hanoï avec le premier ministre Nguyen Tan Dung et son homologue Pham Binh Minh, M. Kerry se rendra aux Philippines.

Il visitera Tacloban, dans le centre de l'archipel ravagé par le typhon Haiyan le 8 novembre, pour «voir de première main les efforts de reconstruction» auxquels les États-Unis, alliés des Philippines, ont largement contribué financièrement.

Le typhon Hayian a fait plus de 6 000 morts et 2 000 disparus.

«Dans le contexte du rééquilibrage vers l'Asie-Pacifique, l'Asie du Sud-Est revêt une importance particulière et le voyage du secrétaire d'État au Vietnam et aux Philippines vise à démontrer que l'engagement des États-Unis y est durable», a expliqué le département d'État.

Les tensions sont vives dans la région entre la Chine et ses voisins, dont le Vietnam et les Philippines, qui lui contestent la souveraineté d'îlots et de zones maritimes en mer de Chine.

Barack Obama devait participer en octobre au sommet de l'Apec (Asie-Pacifique) à Bali puis à celui de l'Asean (Asie du Sud-Est) et de l'Asie de l'Est à Brunei, mais il avait dû annuler pour cause de crise budgétaire à Washington.

La visite de Kerry est une opportunité pour «compenser» l'absence d'Obama à ces sommets dans une région «déstabilisée par l'attitude de plus en plus agressive de la Chine», estime Jonathan London, spécialiste de l'Asie à la City University de Hong Kong.