Robert Levinson, un ancien agent du FBI disparu sur l'île iranienne de Kish en 2007, était en fait un contractuel envoyé en mission par des agents de la CIA qui n'avaient pas reçu l'aval de leur hiérarchie, a révélé jeudi la presse américaine.

À la suite d'une enquête menée sur plusieurs années, Associated Press (AP) et le Washington Post ont décidé de révéler l'information parce qu'elle montre de «graves erreurs» commises par l'agence américaine du renseignement et parce que ses ravisseurs doivent maintenant presque certainement connaître son affiliation, justifie Kathleen Carroll, directrice exécutive d'AP. «Nous n'avons aucun commentaire à faire sur un prétendu lien entre M. Levinson et le gouvernement américain», a réagi le porte-parole de la CIA Todd Ebitz. «Le gouvernement reste engagé dans sa volonté de le faire revenir sain et sauf dans sa famille», a-t-il ajouté.

L'administration Obama a de son côté regretté que l'agence AP ait diffusé ces informations. «Sans vouloir commenter le lien supposé entre M. Levinson et le gouvernement, la Maison-Blanche et d'autres au sein du gouvernement ont fermement demandé à AP de ne pas diffuser cet article, en raison de craintes pour la vie de M. Levinson», a ainsi déclaré la porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC) Caitlin Hayden dans un communiqué.

«Nous regrettons qu'AP ait choisi de diffuser cette histoire, qui n'est pas de nature à faire avancer le cas de M. Levinson pour qu'il revienne chez lui. L'enquête sur la disparition de M. Levinson se poursuit et nous sommes tous déterminés à le ramener sain et sauf à sa famille», a-t-elle ajouté.

Robert Levinson, âgé de 65 ans s'il est toujours en vie, était devenu enquêteur privé après une carrière au FBI.

Ses fréquents déplacements professionnels ont intéressé des analystes de la CIA travaillant notamment sur les circuits financiers illicites.

Une analyste de la CIA, Anne Jablonski, l'a donc embauché comme contractuel pour écrire des rapports sur les informations glanées lors de ses déplacements, selon AP et le Post.

Mais Mme Jablonski n'était pas agente de terrain et n'était donc pas censée agir comme officier traitant. Contrairement aux règles, Levinson devait correspondre avec elle en utilisant le courrier électronique personnel de cette dernière.

Début 2007, Levinson l'informe qu'il dispose d'un informateur susceptible de le renseigner sur la corruption en Iran.

Il s'agit d'un homme nommé Dawud Salahuddin, un ressortissant américain recherché par les États-Unis pour avoir tué un diplomate iranien en 1980. Cet homme s'est réfugié en Iran et est devenu proche de certaines franges du gouvernement.

Levinson se rend donc début mars sur l'île iranienne de Kish, dans le Golfe, pour le rencontrer avec l'aval de Mme Jablonski. Peu après être arrivé à son hôtel, il a pris un taxi et a disparu sans laisser de traces.

La CIA a été lente à réagir selon AP : l'opération n'avait pas été approuvée et la direction de la CIA n'était pas au courant, a par la suite révélé une enquête interne.

Dix analystes, dont Jablonski et Sampson, seront poussés à la démission ou ont fait l'objet de sanctions administratives.

Quelques mois plus tard, la CIA finira par informer le Congrès, la Maison-Blanche et le FBI de la réelle affiliation de Robert Levinson.

Pour le public, il a toujours été présenté comme un Américain disparu lors d'un voyage privé. Fin novembre, le département d'État l'a présenté comme l'otage américain retenu le plus longtemps dans toute l'histoire du pays.

Sa famille, qui n'a pas reçu de preuve de vie depuis 2010, a reçu 2,5 millions de dollars pour ne pas engager de poursuites susceptibles de révéler la réalité, selon AP et le Post.

«Les États-Unis ont toujours soupçonné, mais n'ont jamais pu prouver que Levinson avait été enlevé par les forces de sécurité iraniennes», écrit AP. Fin août, le secrétaire d'État John Kerry a demandé à Téhéran d'aider à localiser Robert Levinson. En septembre, le nouveau président iranien a affirmé sur CNN ne pas savoir où il se trouvait.

Barack Obama avait même mentionné le cas de Robert Levinson, ainsi que ceux de deux autres Américains retenus, durant son coup de téléphone au président iranien Hassan Rohani fin septembre, qui avait été le premier contact direct entre des dirigeants des deux pays en plus de 30 ans.