La Maison-Blanche a prévenu solennellement mardi le Congrès américain que le vote de sanctions supplémentaires contre l'Iran compromettrait toute solution diplomatique sur le programme nucléaire de Téhéran et risquerait même de provoquer une guerre.

Cette très sérieuse mise en garde de la présidence à l'adresse de parlementaires qui veulent renforcer les mesures punitives contre l'Iran survient après l'échec, le 9 novembre à Genève, de négociations entre Téhéran et les puissances du groupe 5+1 (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne). Tous ces pays doivent se retrouver dans la ville suisse à partir du 20 novembre pour espérer boucler un accord provisoire afin de stopper le programme nucléaire iranien controversé.

«Les Américains ne veulent pas d'une marche en avant vers la guerre», a averti le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney, laissant ainsi une nouvelle fois entendre que le président Barack Obama refusait toute nouvelle aventure militaire des États-Unis au Moyen-Orient.

Il a réaffirmé que les «Américains préféraient une solution pacifique qui empêche l'Iran d'avoir une arme nucléaire», solution qui passe par un règlement diplomatique à Genève.

«L'alternative sera l'action militaire», a martelé M. Carney.

Son homologue du département d'État, Jennifer Psaki, a annoncé que son ministre des Affaires étrangères John Kerry ferait passer le même message mercredi après-midi devant l'influente commission bancaire du Sénat.

«Le secrétaire d'État sera clair: mettre en place de nouvelles sanctions serait une erreur. Nous demandons à l'heure actuelle une pause, une pause temporaire dans les sanctions», a insisté la porte-parole de la diplomatie américaine, assurant que Washington ne «retirait pas» le train existant de sanctions contre le régime de Téhéran.

Un conseiller de cette commission a précisé auprès de l'AFP que son président, le sénateur démocrate Tim «Johnson ne déciderait d'aucunes sanctions supplémentaires avant de pouvoir en discuter avec ses collègues» du Congrès.

De nouvelles sanctions, une police d'assurance nécessaire

En plus des sanctions internationales, le Congrès a soigneusement élaboré pendant des années un arsenal législatif pour tenter de contenir le programme nucléaire iranien. En échange de concessions à Genève, Téhéran espérait un allègement «limité et réversible» de certaines sanctions. En particulier le gel d'avoirs dans des banques hors des États-Unis, représentant des dizaines de milliards de dollars.

Mais la volonté de l'administration Obama de relâcher la pression sur l'Iran est mal accueillie par des élus américains, qu'ils soient démocrates ou républicains, et certains préparent même un renforcement du régime des sanctions.

La chambre des représentants, à majorité républicaine, a déjà voté un texte en ce sens, tandis que le Sénat, dominé par les démocrates, a entendu les appels à temporiser du gouvernement américain pour laisser le temps à la diplomatie.

Reste que le président démocrate de la puissante commission des Affaires étrangères du Sénat, Robert Menendez, a écrit dans le journal USA Today que de nouvelles sanctions seraient «une police d'assurance nécessaire» pour garantir que Téhéran négocie de bonne bonne foi. Il a fustigé «la liste de tromperies perpétrées par l'Iran» en une décennie de pourparlers sur son programme nucléaire.

«Des sanctions plus dures permettront d'inciter l'Iran à démanteler son programme d'armes nucléaires et de manière à ce que l'on puisse le vérifier,» a plaidé le sénateur.

Son collègue républicain de la commission bancaire du Sénat Mike Crapo réclame aussi «d'avancer rapidement» au Congrès avec un nouveau train de sanctions.

Mais des analystes sont très critiques sur cette ligne dure, estimant que le Congrès risque de torpiller les négociations diplomatiques.

Colin Kahl, expert du centre de réflexion Center for a New American Security, redoute que les élus américains donnent des «arguments aux tenants d'une ligne dure (en Iran) selon lesquels l'Occident n'est pas sérieux» dans son engagement diplomatique avec Téhéran.

Trita Parsi, président du groupe de réflexion et de pression National Iranian American Council, craint également que le président iranien Hassan Rohani ne puisse pas longtemps tenir sur sa position d'ouverture.

L'Iran et le 5+1 «doivent sceller un accord avant que le Congrès ne sorte du bois et ferme la fenêtre de la diplomatie», dit-il à l'AFP.