Le traité sur les armes chimiques peut-il servir à poursuivre une femme ayant utilisé de l'arsenic pour tenter d'empoisonner sa rivale? La Cour suprême a sévèrement remis à sa place mardi le gouvernement américain pour l'empêcher d'aller trop loin.

«C'est inimaginable que vous puissiez soumettre ce type de poursuites judiciaires», a ainsi lancé le juge Anthony Kennedy, à l'avocat du gouvernement Obama.

Le juge Samuel Alito a demandé en plaisantant s'il encourait le même risque après avoir «distribué des produits chimiques toxiques à un grand nombre d'enfants» à Halloween, ajoutant que «le chocolat était un poison pour les chiens».

En question: les poursuites engagées à l'encontre de Carol Bond, une microbiologiste de Pennsylvanie qui avait répandu de l'arsenic et du potassium dichromate sur la boîte aux lettres et les poignées de voiture de son amie, tombée enceinte après une relation adultère avec son mari.

Carol Bond a été condamnée pour usage d'une arme chimique sur la base d'une loi fédérale, qui liste les obligations américaines en vertu de la Convention internationale sur les armes chimiques.

Mais elle a fait appel à la Cour suprême, estimant que la loi avait été votée pour empêcher l'usage des armes chimiques par les terroristes, et non pour poursuivre un particulier.

«Si la loi est utilisée pour poursuivre n'importe quel usage malveillant de produits chimiques alors elle outrepasse les pouvoirs fédéraux», a argué son avocat Paul Clement devant la haute Cour, estimant que c'est là le «ressort de la police» et donc des États américains.

Plusieurs juges ont également estimé que la liste des produits chimiques ainsi visés pourrait faire «un millier de kilomètres de long», y compris les dopants utilisés par Lance Armstrong ou le vinaigre donné à un poisson rouge, comme l'a souligné le juge Stephen Breyer.

«C'est très sérieux», a rétorqué l'avocat du gouvernement Donald Verrilli, craignant qu'une remise en cause de la loi n'affecte les intérêts américains sur la limitation des armes chimiques ou la non-prolifération nucléaire.

Seules les trois femmes de la haute Cour ont semblé appuyer les arguments du gouvernement. «Ce serait d'une grande ironie après tant de temps passé à critiquer la Syrie (sur son usage des armes chimiques) de déclarer le traité inconstitutionnel», a déclaré Sonia Sotomayor.

«Le gouvernement n'a plus qu'à espérer de perdre de manière limitée, car il pourrait perdre de manière radicale» sur ses pouvoirs fédéraux en matière de traités internationaux, a commenté l'expert Lyle Denniston du ScotusBlog.

La décision est attendue au plus tard en juin.