Le Congrès américain n'avait plus que quelques heures mercredi pour écarter le risque de déflagration mondiale que constituerait un défaut de paiement des États-Unis, mais les marchés gardaient leur calme malgré le coup de semonce d'une agence de notation.

Sauf accord in extremis, la première économie mondiale va entrer dans une zone aussi inédite que dangereuse à minuit mercredi soir : le Trésor ne sera plus autorisé à emprunter et ne pourra plus compter que sur des réserves déclinantes.

À une date difficile à prédire, mais qui pourrait se situer entre les 22 et 31 octobre, selon le Bureau du Budget du Congrès, les États-Unis ne pourraient alors plus assurer tous leurs paiements pour la première fois de leur histoire.

Un tel choc de confiance risquerait de mettre en jeu le sort du dollar, monnaie de réserve mondiale, et celui des bons du Trésor, placements réputés les plus sûrs de la planète.

Toutefois, à l'approche de la date-butoir, les marchés financiers refusaient encore de croire à ce scénario catastrophe et pariaient toujours sur un accord de dernière minute.

La bourse de Tokyo a ainsi terminé quasi stable, alors que les places européennes n'ont ouvert qu'en légère baisse, en dépit de l'avertissement lancé mardi par l'agence Fitch qui a annoncé qu'elle envisageait d'abaisser la note de la dette souveraine des États-Unis, actuellement la meilleure possible à AAA.

Fitch a souligné que «les autorités américaines n'ont pas relevé le plafond de la dette en temps voulu».

Mardi soir, au terme d'une journée chaotique reflétant les profondes divisions partisanes à Washington, les républicains dominant la Chambre des représentants ont renoncé à organiser un vote destiné à relever le plafond de la dette et à mettre fin à la paralysie de l'État fédéral, faute de soutien des influents élus issus de la mouvance ultra-conservatrice Tea Party.

Les chefs de file du Sénat, le dirigeant de la majorité démocrate Harry Reid et celui de la minorité républicaine Mitch McConnell, ont immédiatement fait savoir qu'ils oeuvraient à une solution de rechange. Un accord pourrait être officialisé mercredi matin.

«Nous avançons très très bien, nous n'y sommes pas encore, mais nous sommes très proches» d'un accord, a déclaré le sénateur démocrate Charles Schumer en fin de soirée mardi. «Il faut que les marchés soient rassurés par ce qu'il se passe ici ce soir».

John Boehner prêt à céder

La question sera de savoir si le résultat de ces discussions, entamées pendant le week-end et suspendues un temps mardi, sera entériné mercredi par le président de la Chambre, John Boehner, et ses troupes.

Selon le représentant Charlie Dent, John Boehner ne devrait pas opposer de résistance et acceptera de soumettre au vote de la Chambre tout compromis sénatorial, malgré l'opposition d'une partie de sa majorité. Il devra alors s'appuyer partiellement sur des voix démocrates.

«Je pense que John Boehner se retrouvera dans une position où il devra faire adopter le texte négocié» au Sénat, a dit Charlie Dent sur CNN. «Je pense que la Chambre votera en premier, et l'enverra au Sénat». Pour des raisons de procédure, il est plus rapide que la Chambre vote en premier, et M. Boehner pourrait simplement décider de faire voter le projet élaboré par les négociateurs du Sénat.

Selon cette procédure, qui n'a pas été confirmée officiellement, le Sénat adopterait ensuite le texte, avant promulgation par M. Obama.

M. Boehner, pris en tenaille entre sa volonté affichée de ne pas laisser un défaut de paiement se produire et la pression du Tea Party hostile au compromis, a jusqu'ici refusé d'organiser une consultation sans le soutien général de sa majorité. Le dénouement envisagé marque une lourde défaite pour la stratégie qu'il a jusqu'ici poursuivie.

Le plan de MM. Reid et McConnell comprendrait, selon plusieurs médias américains, une mesure permettant au Trésor de continuer à emprunter jusqu'au 7 février, et à l'État fédéral de rouvrir entièrement jusqu'au 15 janvier. En échange, les démocrates offriraient des concessions sur certains aspects de la réforme du système de santé, élément déclencheur de la crise actuelle, notamment en renonçant à une taxe sur les sociétés d'assurance.

Faute d'accord sur le budget fédéral pour le nouvel exercice, les agences gouvernementales américaines tournent au ralenti depuis le 1er octobre. Des centaines de milliers de fonctionnaires ont été mis en congés forcés sans solde, paralysant progressivement des pans entiers de l'activité.

En août 2011, un accord politique avait été scellé deux jours avant la date-butoir, et adopté définitivement par le Congrès à quelques heures seulement de l'heure limite.