La Cour suprême des États-Unis est apparue prête mardi à déplafonner les contributions financières des particuliers dans les campagnes électorales, provoquant l'appel à la vigilance du président Obama qui craint que la politique ne tombe entre les mains de quelques riches.

Trois ans après sa décision historique très controversée -- «Citizens United v. FEC (Federal Electoral Commission) -- par laquelle les neuf juges ont levé toute limite au financement électoral par les entreprises ou les syndicats, la plus haute juridiction du pays s'est penchée sur le plafond imposé aux donateurs individuels.

L'homme d'affaires de l'Alabama Shaun McCutcheon veut pouvoir donner plus que le montant autorisé pour un seul homme par le gouvernement fédéral: 123 200 dollars au total. Il a porté l'affaire devant la haute Cour, soutenu dans son recours par le parti républicain.

«Il n'y a pas beaucoup de démocraties dans le monde qui marchent de cette façon avec quelques millionnaires ou milliardaires qui financent qui ils souhaitent, parfois en secret», a estimé mardi le président Obama dans une conférence de presse. «Cela signifie que les Américains ordinaires sont exclus du système».

«Personne en politique ne fonctionne avec les mains parfaitement propres», a-t-il poursuivi en assumant sa part de responsabilité pendant ses campagnes présidentielles. «Mais nous devons nous tenir à certaines règles».

Dans un débat d'une heure très soutenu, le président de la Cour suprême, le conservateur John Roberts a déclaré que l'existence d'un plafond des dons individuels lui «semblait une restriction très directe» au Premier amendement de la Constitution sur la liberté d'expression.

«C'est une grave atteinte à la liberté d'expression politique», a abondé Bobby Burchfield, l'avocat du sénateur républicain Mitch McConnell qui soutient le donateur McCutcheon.

Le juge conservateur Antonin Scalia a estimé que limiter les dons individuels avait pour «conséquence de saper la vitalité des partis politiques» et n'«empêchait pas de grosses sommes d'argent de se déverser en politique» via les financements des entreprises et autres organisations.

Il a laissé entendre que la somme de 3,6 millions de dollars qu'un particulier pourrait verser en cas de suppression du plafond ne serait rien d'autre qu'une marque de «gratitude» et non de «corruption».

Le plafond, un rempart contre la corruption

L'avocat du gouvernement Obama, Donald Verrilli a insisté sur les dangers d'un gouvernement de riches donateurs, «par eux et pour eux», paraphrasant la devise d'Abraham Lincoln sur «le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple». «Nous pensons que le risque de corruption est réel», a-t-il ajouté.

La juge progressiste Ruth Ginsburg a aussi estimé que «le plafond des contributions favorise la liberté d'expression et la participation démocratique». Selon elle, «c'est le peuple qui doit compter».

Dehors, sur les marches du temple américain de la Justice, de nombreux manifestants s'étaient massés, brandissant des pancartes «La démocratie n'est pas à vendre» ou «la liberté d'expression contre l'argent» ou encore un drapeau américain recouvert de billets.

«Nous ne permettrons pas la corruption de notre gouvernement par les gens riches», a déclaré au micro Fred Wertheimer, le président de Democracy 21, militant pour une réforme du financement électoral.

Pour les experts, cette affaire constituera un test pour jauger la volonté de la haute Cour à atténuer ou au contraire à renforcer sa très impopulaire décision de 2010.

«Si la Cour supprime totalement le plafond, elle ferait une erreur dans la lignée de la bourde historique qu'elle a commise avec Citizens United», a déclaré à l'AFP l'avocate Elizabeth Wydra du Centre pour la responsabilité constitutionnelle (CAC). Car, «comme l'a rappelé Donald Verrilli, ce plafond fournit un rempart contre la corruption».

M. Obama, qui avait condamné de manière virulente l'arrêt «Citizens United» dans son discours sur l'état de l'Union, le 27 janvier 2010, s'est dit persuadé que cette décision «contribuait aux problèmes actuels à Washington», citant des «extrémistes aux gros comptes en banque qui peuvent dénaturer notre politique» en référence claire au Tea party.