Aux premières lueurs du jour, hier matin, les touristes étaient déjà nombreux à faire la queue pour embarquer sur un des bateaux reliant la pointe sud de Manhattan à Liberty Island, où se dresse la célèbre statue du même nom.Dommage pour eux, mais ils ont dû se contenter d'admirer de loin ce symbole des États-Unis.

«Le gouvernement est fermé. Il n'y a pas de gouvernement aujourd'hui», a annoncé un employé de Statue Cruises aux visiteurs étonnés, dont certains avaient acheté leurs billets pour Liberty Island il y a plusieurs semaines.

«Pourquoi ne suis-je pas venue hier?», s'est lamentée Shi Chunxiang, une touriste de Shanghai. «La statue de la Liberté était la chose que je voulais voir par-dessus tout à New York!»

Des scènes semblables se sont répétées à l'entrée de nombreux musées, parcs et monuments nationaux des États-Unis, en ce premier jour d'une paralysie de l'État fédéral qui a également entraîné la mise au chômage technique de plus de 800 000 fonctionnaires.

Les élus se renvoient la balle

Il faudra cependant plus que la déception des touristes pour inciter les élus du Congrès à se mettre enfin d'accord sur le financement du gouvernement. Au lendemain d'une vaine partie de ping-pong budgétaire, démocrates et républicains semblaient surtout chercher à faire porter à la partie adverse le blâme de cette première paralysie de l'État fédéral depuis 1996.

«Cette paralysie républicaine n'était pas inévitable. Je veux que tous les Américains comprennent pourquoi elle s'est produite», a déclaré Barack Obama lors d'une intervention dans la Roseraie de la Maison-Blanche.

«Ils ont paralysé le gouvernement au nom d'une croisade idéologique pour empêcher des millions d'Américains de pouvoir se soigner à un coût raisonnable», a-t-il ajouté.

Dans leur dernier projet de loi budgétaire, les républicains de la Chambre des représentants ont mis comme condition au financement provisoire de l'État fédéral le report d'un an du «mandat individuel», volet crucial de la loi sur la santé du président entré en vigueur hier.

Le mandat individuel fait référence à l'obligation faite à tous les Américains de souscrire à une assurance maladie, sous peine d'amende.

Le Sénat à majorité démocrate a non seulement rejeté le texte des républicains de la Chambre, mais leur demande également de convoquer une commission composée de négociateurs républicains et démocrates pour trouver un compromis permettant de financer l'État fédéral pendant quelques semaines.

«Les dirigeants démocrates du Congrès ont finalement obtenu ce qu'ils voulaient - une paralysie du gouvernement que personne ne voulait sauf eux», a déclaré le chef de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell. «Les républicains de la Chambre ont travaillé tard dans la nuit ce week-end pour garder le gouvernement ouvert. Et les démocrates du Sénat se sont traîné les pieds.»

Pour l'heure, les Américains rejettent massivement l'approche républicaine. Pas moins de 72% d'entre eux s'opposent à l'idée d'avoir recours à la fermeture partielle de l'État fédéral pour entraver la mise en oeuvre de la réforme de la santé.

Et seulement 17% des Américains approuvent le travail des républicains du Congrès, alors que la cote des démocrates s'élève à 32% et celle du président, à 44%.

Un parti divisé

L'approche républicaine ne fait d'ailleurs pas l'unanimité au sein même des élus de ce parti au Congrès.

«Vous avez 40 Ted Cruz au sein de la Chambre qui dictent la politique nationale», a déclaré le représentant républicain de New York Peter King, en déplorant l'influence du sénateur républicain du Texas et héros du Tea Party, qui a réussi à entraîner ses collègues dans son combat contre l'Obamacare.

Les républicains de la Chambre ont tenté de reprendre l'initiative sur le débat budgétaire, hier, en proposant de voter des mini-lois de finances permettant d'ouvrir les agences fédérales une à une.

Mais les démocrates du Sénat ont réagi froidement à cette idée, exhortant les républicains à voter une loi de finances provisoire ne touchant pas à la réforme de la santé.