Un ex-Black Panther souffrant d'un cancer en phase terminale a été remis en liberté mardi soir sur décision de justice, après plus de 40 ans d'enfermement à l'isolement pour le meurtre d'un Blanc qu'il a toujours nié.

Le juge Brian Jackson a ordonné mardi «la libération immédiate de M.(Herman) Wallace», 72 ans, et annulé sa condamnation à la prison à vie, prononcée en janvier 1974, en pointant des irrégularités dans la sélection du jury, mais sans se prononcer sur le fond de l'affaire, selon le jugement dont l'AFP a obtenu une copie.

Le même juge a rejeté en début de soirée l'appel du procureur de Baton Rouge, qui s'opposait à cette libération, permettant à Herman Wallace de retrouver la liberté «pour la première fois en 42 ans», ont annoncé ses défenseurs par courriel à l'AFP.

«Ce soir, Herman Wallace a quitté les murs des prisons de Louisiane et pourra recevoir les soins médicaux que son cancer avancé du foie exige», écrit son équipe de défense, précisant que l'ex-prisonnier a été transporté dans une ambulance qui l'attendait depuis le milieu d'après-midi.

Wallace est l'un des «trois d'Angola» du nom de la prison d'Angola en Louisiane, réputée pour son passé raciste et baptisée ainsi car elle fut construite sur une ancienne plantation où les esclaves venaient de ce pays d'Afrique australe.

Ces trois prisonniers ont attiré l'attention internationale après avoir passé à eux trois plus d'un siècle à l'isolement pour le crime en 1972 d'un gardien de prison blanc, qu'ils ont toujours nié et dont les preuves ont été une à une remise en cause.

Les trois hommes étaient alors membres des Black Panthers, le groupe radical luttant pour la cause des Noirs aux États-Unis, «à l'époque très impopulaire» en Louisiane, a récemment rappelé à l'AFP Carine Williams, une des avocats de Wallace: «C'est la raison pour laquelle ils ont été immédiatement soupçonnés», a-t-elle assuré.

Wallace, qui était écroué pour un cambriolage, avait été condamné à la prison à vie, de même qu'Albert Woodfox, toujours enfermé, et Robert King, qui a été libéré, blanchi après 29 ans de prison.

Avec la dégradation de l'état de santé de Wallace, ses avocats avaient demandé au tribunal fédéral à Baton Rouge de relancer le dossier au point mort depuis près de quatre ans, et Wallace lui-même a imploré la justice de le libérer avant sa mort.

«Deux mois à vivre»

Le juge Jackson l'a entendu, en renversant mardi sa «condamnation et la peine, en raison de l'exclusion systématique de femmes dans le grand jury qui l'avait reconnu coupable, en violation du 14e amendement de la Constitution qui garantit l'égalité devant la loi».

Il a aussi ordonné à l'État de Louisiane de dire dans les 30 jours s'il a l'intention d'inculper à nouveau le prisonnier.

Plus tard dans la journée, il a rejeté dans des termes sévères l'appel de la Louisiane, selon le document obtenu par l'AFP. M. Wallace «a passé plus de 40 ans en prison pour une condamnation basée sur une inculpation anticonstitutionnelle», a-t-il écrit, estimant que l'État n'avait pas «démontré qu'un septuagénaire souffrant de problèmes de santé significatifs risquait de s'enfuir ou constituait un danger pour le public».

Amnesty International s'est félicitée de ce jugement, regrettant qu'il intervienne «tragiquement alors qu'Herman meurt du cancer avec seulement quelques jours ou heures à vivre». «Aucun jugement ne pourra effacer les conditions de prison cruelles, inhumaines et dégradantes qu'il a endurées», a déclaré Steven Hawkins, directeur d'Amnesty USA.

L'équipe de défense du prisonnier a salué la décision du juge qui «enfin accorde un certain degré de justice après une vie d'injustice». «Il a fallu l'ordre d'un juge fédéral pour reconnaître les violations constitutionnelles claires dans le procès de M. Wallace en 1974 et lui accorder justice. L'État de Louisiane a eu de nombreuses possibilités de redresser cette injustice, mais de manière répétée et absolue, a refusé de le faire», ont déploré ses avocats.

Ils ont prévenu que «la procédure contre l'inconstitutionnalité de son confinement à l'isolement pendant quatre décennies se poursuivrait» même après la mort de M. Wallace.

«On m'a donné deux mois à vivre», avait écrit le prisonnier, il y a 15 jours. «Je pense que mon dossier a été perdu ou oublié et je vous implore de faire tout votre possible pour me rendre justice», avait-il exhorté, dans une lettre au juge.