Des prières, des larmes et «rien ne change» : les fusillades meurtrières sont-elles devenues une spécialité américaine au même titre que «la tarte aux pommes et le base-ball», une  «routine» alors que le Congrès renâcle à légiférer?

«Comment le pays peut-il tolérer une autre fusillade après en avoir enduré tant ?», affirmait mardi une chroniqueuse du Washington Post au lendemain d'une fusillade qui a fait 13 morts, dont le tireur, dans un bâtiment de la Marine à Washington.

«Parce que ces massacres sont devenus pratiquement une routine», affirme Petula Dvorak avant de lancer un provocateur «Tarte aux pommes, base-ball et fusillades de masse?».

«Il est tristement vrai que les États-Unis vivent trop fréquemment ces fusillades», a indiqué mardi devant la presse Jay Carney, porte-parole du président américain Barack Obama.

Mais le président, qui avait condamné la veille cet acte «lâche», ne les considère pas comme «une nouvelle norme», a-t-il ajouté.

«Il n'est pas juste d'appeler ces massacres une routine», renchérit Jeffrey Reiman, professeur de philosophie à l'American University, interrogé par l'AFP, les «gens sont toujours sous le choc» après ces drames.

«Les victimes et leurs proches se souviendront toujours du mal fait», ajoute Jeffrey Ian Ross, professeur de criminologie à l'université de Baltimore.

Pourtant, après les fusillades de Columbine (13 morts en 1999), Virginia Tech (32 morts en 1997) ou Sandy Hook à Newtown (26 morts dont 20 enfants en 2012), «pour les hommes politiques, rien n'a changé», dénonçait mardi un éditorial du quotidien de Washington.

De fait, une réforme des lois encadrant les armes à feu aux États-Unis, déjà enterrée en avril grâce notamment aux pressions du puissant lobby des armes de la NRA (National Rifle Association), ne semblait pas près de revenir en tête de l'ordre du jour politique.

Changer la façon de penser des citoyens

«Aujourd'hui, nous n'avons pas assez de voix» pour la remettre en débat, a affirmé Harry Reid, chef de la majorité démocrate du Sénat.

Hasard du calendrier, des parents de victimes de l'école de Newtown ont pourtant prévu une quarantaine de rendez-vous à Washington avec des élus dans la semaine, pour demander des lois plus strictes.

Jeudi, une manifestation doit être organisée par l'association des «maires contre les armes illégales» (Mayors Against Illegal Guns).

Les commentaires émus du Dr Janis Orlowski, affirmant lundi qu'elle en avait assez d'être spécialiste des blessures par balles et «voudrait voir son service de traumatologie fermer», ont fait de ce médecin-chef du MedStar Washington Hospital Center une incontournable des médias.

Mais le pays est toujours autant divisé, entre les tenants du Deuxième amendement, qui donne au citoyen le droit de détenir une arme, et ceux qui veulent une réglementation plus stricte.

«Les armes à feu sont une partie du problème», affirme Jack Levin, professeur de criminologie à la Northeastern University de Boston, selon qui les États-Unis sont les champions des pays industrialisés pour le nombre des homicides, quelle que soit l'arme utilisée.

«Changer les lois ne servira à rien, il faut changer la façon de penser des citoyens», dit-il.

Depuis 2006, les États-Unis ont connu 168 fusillades ayant fait, selon la méthode de décompte du FBI, au moins quatre morts sans compter le tireur.

Un groupe ironiquement baptisé «les armes, c'est super» (Guns are Cool) sur le site social Reddit, a recensé 250 drames de ce type en 2013, en comptabilisant tout acte ayant fait au moins quatre blessées ou tués.

Seul 1% de tous les homicides sont des meurtres de masse, remarque M. Levin. Les fusillades meurtrières ne «sont peut-être pas aussi américaines qu'une tarte aux pommes, mais elles en sont bien une part ou deux», dit-il.