Barack Obama a indiqué mercredi qu'il n'avait pas encore pris de décision sur la réaction américaine à l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, mais qu'elle serait destinée à dissuader le régime de recommencer.

«Je n'ai pas encore pris de décision» sur une action en Syrie, a indiqué le dirigeant à l'antenne de la télévision publique PBS, ses premiers commentaires publics depuis vendredi dernier sur ce dossier.

Pendant le week-end, alors qu'émergeaient les détails de l'attaque qui aurait fait plusieurs centaines de morts le 21 août près de Damas, les États-Unis ont considérablement durci le ton contre la Syrie, au point qu'une intervention armée, comme des tirs de missiles de croisière contre des équipements ou symboles du pouvoir de Bachar al-Assad semble désormais probable à court terme.

Le président Obama a toutefois rejeté l'idée d'une intervention américaine destinée à appuyer la rébellion, alors que le pouvoir syrien est en butte à une révolte populaire déclenchée début 2011. Cette dernière s'est militarisée et a dégénéré en guerre civile qui a fait plus de 100 000 morts selon l'ONU.

Un «engagement direct militaire» des États-Unis dans la guerre civile «ne serait pas bénéfique à la situation sur le terrain», a-t-il estimé.

L'idée sous-jacente à la réaction des États-Unis serait, a-t-il expliqué, que le gouvernement syrien «reçoive un message assez fort sur le fait qu'il ferait mieux de ne pas recommencer».

M. Obama a indiqué que les États-Unis «ont conclu que le gouvernement syrien a bien commis cela, et que donc, il faut qu'il y ait des conséquences internationales».

«Je ne souhaite pas un conflit sans fin en Syrie, mais (...) lorsque des pays violent les règles internationales sur des armes comme des armes chimiques qui pourraient nous menacer, il faut qu'ils rendent des comptes», a-t-il insisté.

Punir le gouvernement Assad «ne résoudra pas tous les problèmes de la Syrie. Évidemment, cela ne mettra pas fin aux morts de civils innocents en Syrie», a-t-il concédé.

«Nous espérons qu'une transition se produira en fin de compte en Syrie, et nous sommes prêts à travailler avec tout le monde, les Russes et les autres pour essayer de rassembler les parties pour trouver une solution au conflit», a assuré M. Obama, alors que les relations avec Moscou, allié indéfectible de Damas, se sont de son propre aveu fortement dégradées depuis le retour à la présidence de Vladimir Poutine en mai 2012.

Mais «nous voulons que le régime Assad comprenne qu'en ayant recours à des armes chimiques à grande échelle contre son propre peuple, contre des femmes, des bébés, des enfants, il ne fait pas que violer les règles internationales et les critères de décence, mais qu'il crée aussi une situation dans laquelle les intérêts nationaux américains sont affectés, et il faut que cela cesse», a-t-il martelé.

Le soutien de la Russie au gouvernement de Damas semble fermer aux États-Unis la possibilité de voir le Conseil de sécurité des Nations unies donner un feu vert à une intervention en Syrie, ce qui semble présager une action unilatérale de Washington.

M. Obama, opposé il y a dix ans à l'invasion de l'Irak par l'administration de son prédécesseur républicain George W. Bush, qui s'était passé de l'autorisation de l'ONU, a rejeté d'avance la comparaison historique.

Il a évoqué «une approche limitée, sur-mesure» pour «ne pas nous retrouver entraînés dans un long conflit, pas une répétition de l'Irak, ce qui inquiète beaucoup de monde».

«Si nous envoyons un coup de semonce pour dire +arrêtez+, nous pouvons avoir un impact positif sur notre sécurité nationale à long terme», a argumenté le président.

Le Congrès s'impatiente

Après être resté en retrait pendant plusieurs jours, le président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, a appelé mercredi Barack Obama à révéler publiquement ses projets de frappes militaires contre la Syrie.

«Il est essentiel que vous fournissiez une explication claire et sans ambiguïté sur la façon dont une action militaire, qui est un moyen et non une politique, permettra d'atteindre les objectifs américains et comment elle s'articule avec votre politique globale», écrit dans une lettre ouverte John Boehner, l'homme le plus puissant du Congrès.

«Je demande respectueusement que vous défendiez personnellement, en tant que commandant en chef, votre plan devant les Américains et le Congrès», ajoute-t-il, en énumérant 14 questions.

«Quel résultat l'administration espère-t-elle obtenir?» demande-t-il ainsi. «Votre administration lancera-t-elle des frappes si des armes chimiques sont utilisées à plus petite échelle?»

M. Boehner veut aussi savoir si le président a prévu les cas où les organisations terroristes prendraient l'ascendant sur le régime, ou celui d'une éventuelle implication d'intérêts russes ou iraniens.

Selon lui, les contacts entre la Maison Blanche et les responsables des commissions compétentes du Congrès, bien qu'appréciés, «n'ont pas atteint le niveau d'une consultation substantielle».

Un haut responsable de l'administration a indiqué mercredi soir que les dirigeants du Congrès et les présidents de commissions se rendraient jeudi à la Maison-Blanche, à une heure non précisée, pour prendre connaissance des éléments classés secrets recueillis par le renseignement américain sur l'attaque chimique du 21 août.

Depuis la semaine dernière, la classe politique américaine a en général redoublé de discrétion, à la faveur des congés d'été du Congrès: leur retour à Washington n'est prévu que le 9 septembre.

Certains, comme le républicain John McCain, ont multiplié les prises de parole pour pousser le président à bombarder la Syrie.

Mais la plupart des réactions oscillaient entre un soutien prudent et une critique du processus de décision.

Plus de 110 d'élus de la Chambre (sur 435), dont 17 démocrates, ont signé une lettre commune à Barack Obama mercredi pour réclamer la convocation du Congrès de façon à autoriser formellement des frappes contre la Syrie.

La loi américaine requiert en théorie une autorisation votée par le Congrès pour tout déploiement durable de forces à l'étranger, mais les présidents américains ont toujours estimé qu'en tant que commandants en chef, ils disposaient du pouvoir constitutionnel de déclencher des opérations militaires sans aval parlementaire.

Les frappes aériennes en Libye en mars 2011 avaient ainsi été décidées par Barack Obama seul.