Barack Obama a annoncé jeudi l'annulation de manoeuvres militaires conjointes avec l'Égypte pour sanctionner la répression sanglante de manifestations par l'armée, mais n'est pas allé jusqu'à couper l'assistance militaire à cet allié stratégique des États-Unis.

Washington se réserve toutefois la possibilité de prendre des «mesures supplémentaires», a souligné le président américain, au lendemain de la mort d'au moins 525 personnes lors de la dispersion par la force de partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi.

«Les États-Unis condamnent avec force les mesures prises par le gouvernement intérimaire égyptien», a affirmé M. Obama, en condamnant aussi la réinstauration de l'état d'urgence.

«Si nous souhaitons maintenir notre relation avec l'Égypte, notre coopération habituelle ne peut pas continuer comme si de rien n'était lorsque des civils sont tués dans les rues et que les droits régressent», a expliqué le président depuis son lieu de vacances de Martha's Vineyard (Massachusetts).

Affirmant que l'Égypte se dirigeait «sur un chemin dangereux», M. Obama a révélé que son équipe avait annoncé au gouvernement égyptien «que nous annulions nos manoeuvres militaires biennales, qui devaient avoir lieu le mois prochain».

Il s'agit de l'exercice «Bright Star», qui se déroule tous les deux ans entre l'Égypte et les États-Unis depuis 1981 et rassemble plusieurs milliers d'hommes. Elles avaient toutefois été déjà annulées en 2011 en raison du Printemps arabe qui avait emporté le régime autoritaire du président Hosni Moubarak, issu de l'armée.

M. Obama n'est pas allé jusqu'à annoncer la suspension de l'aide militaire des États-Unis à l'Égypte, qui représente 1,3 milliard de dollars par an.

Défenseurs des droits de l'homme déçus

Le président a défendu une relation qui remonte à «des décennies» et a qualifié l'Égypte «de pierre angulaire de la paix au Moyen-Orient», en allusion au traité de paix avec Israël.

Cependant, a-t-il ajouté, «j'ai demandé à mon équipe de sécurité nationale d'évaluer les implications des actes du gouvernement intérimaire, et les mesures supplémentaires que nous pourrions prendre», sans plus de précisions.

La prudence de M. Obama s'explique par le lien entre l'assistance militaire et le soutien de l'armée égyptienne aux accords de Camp David, estime Hussein Ibish, du groupe de réflexion «American Task Force on Palestine».

Washington «est le garant du traité de paix avec Israël. Donc, si les États-Unis cessaient leur assistance, les Égyptiens pourraient dire "nous sommes libres de réexaminer cet accord, puisque le garant ne tient pas sa parole"», explique M. Ibish à l'AFP.

L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights First s'est dite «déçue de la décision de l'administration (Obama) de rester silencieuse sur la question de l'aide».

Auparavant, tant le New York Times que le Washington Post avaient appelé M. Obama à suspendre cette assistance. Le Post avait estimé dans un éditorial que son administration était «complice» de la répression.

Les États-Unis ont refusé de parler de «coup d'État» après la destitution par l'armée de M. Morsi, élu démocratiquement à la suite de la chute de M. Moubarak. Une telle qualification aurait contraint à fermer le robinet de l'aide selon la loi américaine. M. Obama a estimé jeudi que le gouvernement du dirigeant déchu n'avait pas été «rassembleur» et n'avait pas «respecté l'opinion de tous les Égyptiens».

«Les Égyptiens méritent mieux que ce à quoi nous avons assisté ces derniers jours. Et aux Égyptiens, je veux dire que le cycle de la violence (...) doit cesser. Nous appelons les autorités égyptiennes à respecter les droits universels des personnes, et nous appelons ceux qui manifestent à le faire pacifiquement», a-t-il martelé.

Les États-Unis, a-t-il conclu, «ne peuvent pas déterminer l'avenir de l'Égypte». «C'est aux Égyptiens de le faire. Nous ne prenons parti pour aucun camp ou responsable politique».

Les relations militaires seront maintenues, affirme Hagel

Les États-Unis «vont maintenir» leurs relations militaires avec l'Égypte, mais les violences «mettent en danger des éléments importants» de la coopération entre les deux pays, a affirmé jeudi le chef du Pentagone Chuck Hagel.

«Le département de la Défense maintiendra sa relation militaire avec l'Égypte, mais j'ai été clair sur le fait que la violence et les mesures inadéquates en direction d'une réconciliation mettent en danger des éléments importants de notre ancienne coopération de défense», indique dans un communiqué le ministre, à l'issue d'un entretien téléphonique avec l'homme fort du régime égyptien, le général Abdel Fattah al-Sissi.

Depuis le renversement du président Morsi le 3 juillet, Washington appelle les autorités égyptiennes à ne pas recourir à la violence, à respecter la liberté de rassemblement et à mettre en oeuvre une transition démocratique.

«Les récents développements, y compris les violences qui ont entraîné la mort de centaines de personnes dans le pays, minent ces principes», déplore le secrétaire à la Défense dans le communiqué.

«Au cours de ma discussion avec le ministre (Abdel Fattah) al-Sissi, j'ai réaffirmé que les États-Unis restaient prêts à travailler avec toutes les parties» afin de résoudre la crise de manière pacifique et incluant les différentes sensibilités de la société égyptienne, ajoute-t-il.

La grande majorité de l'aide américaine à l'Égypte s'effectue sur le plan militaire: chaque année, Washington accorde 1,3 milliard de dollars à l'armée égyptienne pour qu'elle s'équipe en matériel militaire américain.

Depuis 1979, l'Égypte est le plus gros bénéficiaire, après Israël, de l'aide bilatérale américaine, pour un total de 68 milliards de dollars, selon le Service de recherche du Congrès (CRS).