La perspective d'une réduction de l'arsenal nucléaire américain a du plomb dans l'aile après la glaciation des relations avec la Russie, même si Washington dispose toujours de l'option d'un désarmement unilatéral.

Depuis son appel de Prague en 2009, Barack Obama cherche à faire du désarmement nucléaire un axe fort de sa présidence. À Berlin en juin, il a proposé de réduire le nombre d'armes stratégiques «jusqu'à un tiers», soit un objectif d'un millier de têtes nucléaires, par des «réductions négociées avec la Russie».

Sans y opposer une fin de non-recevoir, les Russes ont laissé entrevoir de longues et difficiles discussions pour espérer y parvenir.

L'annulation du sommet Poutine-Obama prévu à Moscou début septembre pour cause de «manque de progrès récents» dans la relation, selon le président américain, montre que les discussions préparatoires, notamment sur le désarmement nucléaire au-delà du traité START, sont au point mort, expliquent des experts à l'AFP.

START prévoit que chaque pays réduise d'ici 2018 à 1.550 le nombre de têtes nucléaires déployées, c'est-à-dire immédiatement utilisables.

Le sujet de nouvelles réductions de l'arsenal ne figure même pas dans le compte-rendu du Pentagone sur la réunion entre les ministres de la Défense américain et russe, Chuck Hagel et Sergueï Choïgou vendredi en marge de la réunion 2+2 à Washington.

Au-delà de l'opposition avancée par Moscou au programme de défense antimissiles américain, «étant donné ce qu'est la doctrine militaire russe, où en est sa modernisation militaire, il est très improbable que le gouvernement russe veuille aller substantiellement en deçà des niveaux du traité START», explique à l'AFP Celeste Wallander, chargée de la Russie au Pentagone jusqu'à l'an passé.

Moscou se repose davantage sur l'arme nucléaire, notamment en raison de «l'incertitude russe vis-à-vis de la Chine et de la faiblesse relative de ses forces conventionnelles», selon Mme Wallander, aujourd'hui professeure à l'American University.

Les perspectives d'un désarmement négocié sont d'autant plus faibles que Moscou «ne croit tout simplement pas aux intentions affichées par les États-Unis», «un vieux problème», estime pour sa part Robert Norris, de la Fédération des scientifiques américains (FAS).

Face au «niet» russe, reste l'option d'une réduction unilatérale de l'arsenal américain, une possibilité entrouverte par Barack Obama à Berlin.

Elle pourrait soulager un budget sous tension: le Pentagone prévoit de consacrer 215 milliards de dollars sur dix ans pour entretenir et moderniser son arsenal, un montant «sous-estimé et inabordable», selon un rapport d'experts du CSIS.

Parallèlement le Pentagone est confronté à 500 milliards de coupes automatiques sur la période.

Réduire l'arsenal américain à un millier de têtes permettrait d'économiser 39 milliards d'ici la fin de la décennie, selon une étude de l'Arms Control Association.

Sur le plan stratégique, l'équilibre ne serait pas rompu puisque Washington dispose d'un «avantage» avec ses plus de 3.000 têtes nucléaires sous cocon et qui ne sont pas concernées par START, écrit le physicien nucléaire Pavel Podvig dans le Bulletin des savants atomistes.

«Si les États-Unis veulent amener la Russie à une réduction de l'arsenal nucléaire, ils devraient commencer avec des coupes unilatérales. Elles seraient réversibles et avant tout symboliques», explique-t-il.

«La Russie serait alors confrontée à un choix entre désarmer elle aussi et conserver le levier que procure sa participation au processus ou risquer que les États-Unis poursuivent leur unilatéralisme et orientent la politique nucléaire dans une direction inconfortable», poursuit M. Podvig.

Moscou n'est pas prêt à prendre ce risque, selon lui.

Pour Robert Norris, un désarmement unilatéral partiel paraît improbable, en raison de l'opposition républicaine au Congrès, qu'il a déjà fallu convaincre de ratifier START et «suspicieuse à l'égard de toute action qu'Obama peut engager».