Le secrétaire d'État américain John Kerry, en visite au Pakistan, a affirmé jeudi que les frappes de drones contre des islamistes à la frontière afghane pourraient bientôt cesser, une exigence d'Islamabad pour améliorer ses relations avec Washington.

Les déclarations de M. Kerry faites à la télévision pakistanaise ont été immédiatement saluées par les autorités pakistanaises, mais minimisées par le département d'État que M. Kerry dirige depuis février.

C'est la première fois qu'un aussi haut responsable américain exprime si clairement une possible fin de la campagne de tirs de drones contre des talibans pakistanais et des militants d'Al-Qaïda dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan. Ces opérations, présentées par la CIA et une partie du gouvernement américain comme faisant partie de la lutte contre le terrorisme, sapent depuis quatre ou cinq ans les relations entre Washington et Islamabad.

«Je pense que le programme s'achèvera, car nous avons éradiqué la plus grande partie de la menace et que nous continuons à l'éradiquer», a déclaré M. Kerry à la télévision PTV.

Il s'exprimait après des entretiens toute la journée avec les plus hautes autorités pakistanaises qui demandent ouvertement la fin des frappes de drones.

Interrogé par la télévision pour savoir si un calendrier de cessation de ces tirs était envisagé, M. Kerry a répondu par l'affirmative. Et je pense que le président (Barack Obama) a un vrai calendrier et nous espérons que cela sera pour très, très bientôt».

Embarrassé, le département d'État a ensuite cherché à corriger les déclarations du ministre, rappelant que le nombre de frappes avait déjà baissé depuis 2012.

«Le secrétaire d'État faisait référence aujourd'hui à notre volonté de voir le programme évoluer dans le temps. Mais il n'y pas de calendrier», a déclaré la porte-parole du ministère, Jennifer Psaki.

Mais le nouveau gouvernement pakistanais du premier ministre Nawaz Sharif a immédiatement saisi la balle au bond.

Un porte-parole de la diplomatie pakistanaise a salué les propos de M. Kerry, rappelant qu'Islamabad voulait depuis longtemps la disparition des tirs de drones.

Aux yeux du Pakistan, ces opérations violent sa souveraineté. Pour les Américains, il s'agit d'un élément fondamental du combat contre l'extrémisme islamiste armé dans ses repaires à la frontière afghano-pakistanaise.

Le Pakistan est lui-même le théâtre de très nombreux attentats qui ont fait plus de 40 000 morts depuis 2001.

M. Sharif a maintes fois assuré vouloir rétablir de bonnes relations avec les États-Unis, mais à condition qu'ils tiennent davantage compte des «inquiétudes» pakistanaises sur les drones.

Par ailleurs, lors d'une interview à une autre chaîne de télévision pakistanaise, M. Kerry a jugé que l'armée égyptienne avait déposé le président Mohamed Morsi début juillet dans le but de «rétablir la démocratie».

M. Kerry est au Pakistan depuis mercredi soir et jusqu'à vendredi matin pour exhorter le gouvernement Sharif et l'armée à renforcer la lutte contre les insurgés islamistes à la frontière afghane, au moment où les troupes américaines se préparent à quitter l'Afghanistan fin 2014.

La dernière visite d'un chef de la diplomatie américaine au Pakistan remonte à celle de Hillary Clinton en octobre 2011. Elle avait déjà pressé Islamabad, sans succès, de démanteler les bastions des zones tribales du nord-ouest du Pakistan.

Afin de tenter d'améliorer des relations détériorées, le secrétaire d'État a transmis à M. Sharif une invitation du président Barack Obama pour un sommet bilatéral à l'automne à Washington.

Les deux capitales ont aussi relancé jeudi leur «dialogue stratégique».

Ce partenariat, entre deux pays qui s'étaient érigés après le 11 septembre 2001 en «alliés dans la guerre contre le terrorisme», avait été gelé en raison du raid américain contre Oussama Ben Laden, qui vivait caché au Pakistan.

Le géant pakistanais de 180 millions d'âmes, seule puissance nucléaire militaire du monde musulman, fait face à de graves difficultés économiques et à une crise énergétique.

«Le Pakistan ne peut pas donner la pleine mesure de son potentiel économique tant qu'il ne terrasse pas les extrémistes» islamistes, a martelé M. Kerry lors d'une conférence de presse.

Quant à l'Afghanistan voisin, il s'est dit «confiant» sur l'issue de négociations sur un traité bilatéral de sécurité censé définir les modalités de la présence américaine après 2014.

À propos du départ des troupes américaines d'Afghanistan, M. Kerry s'est voulu rassurant: «Les États-Unis réduisent (la voilure), mais ne se retirent pas».