Le chef du Pentagone Chuck Hagel a dévoilé mercredi un avenir sombre pour la défense américaine, évoquant une baisse supplémentaire de 15% des effectifs de l'armée de Terre, afin de pousser le Congrès à mettre fin aux coupes budgétaires automatiques.

Ce mécanisme infernal ne devait pas voir le jour, mais être suffisamment dissuasif pour convaincre démocrates et républicains de trouver un accord sur la réduction du déficit.

Mais les deux camps n'ayant pas réussi à s'entendre durant des mois, le budget de la Défense va devoir être amputé de 500 milliards de dollars sur 10 ans.

Le secrétaire à la Défense Chuck Hagel a donc ordonné il y a quatre mois la réalisation d'une étude sur les conséquences que ces coupes auraient sur l'armée américaine si elles étaient menées à leur terme, ainsi que les mesures à prendre pour y faire face. Le Pentagone a déjà été amputé cette année d'une première tranche de 37 milliards de dollars, sur un budget de 527,5 milliards.

«L'étude conclut que nous pouvons réduire de façon stratégique la taille de nos forces terrestres et aériennes tactiques, au-delà de la baisse déjà programmée», a-t-il affirmé en présentant les conclusions de l'étude à la presse.

«Une option» montre que «nous pourrions toujours exécuter les missions prioritaires de notre stratégie de défense tout en réduisant la taille de l'armée de Terre à une échelle comprise entre 420 000 et 450 000 hommes pour sa composante d'active», a-t-il annoncé, précisant qu'aucune décision n'avait été prise.

Après une décennie au cours de laquelle son budget a doublé à la faveur des guerres d'Irak et d'Afghanistan, le Pentagone avait déjà prévu de ramener d'ici 2017 à 490 000 le nombre de soldats d'active et de faire passer le corps des Marines de 201 000 à 182 000 hommes.

Taille de l'armée ou modernisation

L'option prévoit également de ramener la réserve de 550.000 à 490 000 hommes, ainsi que de supprimer «jusqu'à cinq» escadrons d'avions tactiques et de «couper dans la taille de la flotte d'avions de transport C-130 avec un risque minimal», a détaillé M. Hagel, sans dire si des coupes supplémentaires affecteraient le corps des Marines.

Le Pentagone devra également trancher entre la taille de l'armée et ses capacités, c'est-à-dire son degré de modernisation.

En privilégiant les investissements d'avenir notamment le F-35, le futur bombardier à long rayon d'action, les forces spéciales et la cyberguerre, le Pentagone «devrait davantage réduire l'armée de Terre d'active, à un chiffre compris entre 380.000 et 450.000 hommes», diminuer le nombre de porte-avions de 11 à «9 ou 8», et mettre au rebut les vieux bombardiers.

Si priorité était donnée à la taille de l'armée, cela équivaudrait à «une absence de modernisation pendant une décennie», sachant qu'une partie des équipements, notamment de nombreux navires et avions, arrivent en fin de vie, a-t-il expliqué.

Parmi les options présentées par le ministre figurent également des mesures sur le fonctionnement du Pentagone, susceptibles d'économiser 60 milliards de dollars, ainsi que des changements dans les bénéfices sociaux accordés aux militaires et à leur famille (50 milliards).

La suppression des retraites civiles pour les ex-militaires devenus fonctionnaires, des subventions aux magasins sur les bases, ou des allocations chômage pourrait elle permettre d'économiser 100 milliards supplémentaires.

Mais quelles que soient les décisions prises, la plupart devront être entérinées par le Congrès. Or certaines mesures déjà décidées, comme l'ouverture de discussions sur de nouvelles fermetures de bases ou une augmentation des cotisations sociales pour les militaires, sont mortes nées ces deux dernières années en raison de l'opposition des élus.

En dévoilant ces sombres perspectives, Chuck Hagel a appelé le Congrès à une prise de conscience et à trouver un accord pour mettre fin aux coupes automatiques. «Je sais que c'est politique, je comprends cela, nous comprenons ces réalités», a-t-il assuré, affirmant toutefois qu'il n'essayait pas «de crier au loup».