Le procès de Bradley Manning, le soldat accusé d'avoir transmis des centaines de milliers de documents diplomatiques et militaires à WikiLeaks, entame jeudi sa dernière ligne droite à Fort Meade, avec le réquisitoire et la plaidoirie.

Sur cette base militaire située au nord de Washington, à l'issue de près de deux mois d'audience, l'accusation menée par le major Ashden Fein doit prendre la parole jeudi matin pour ses «arguments de clôture».

Il tentera de démontrer une dernière fois que le jeune homme de 25 ans s'est rendu coupable de «collusion avec l'ennemi» - en l'occurrence al-Qaïda - en transmettant à l'organisation de Julian Assange ces documents classifiés qui ont ensuite été mis en ligne sur l'internet.

Ce chef d'accusation est passible de la peine de mort, mais l'accusation a indiqué il y a plusieurs mois qu'elle ne demanderait que la réclusion à perpétuité sans remise de peine. Pour obtenir la condamnation de l'ex-analyste du renseignement en Irak, elle doit convaincre la juge militaire Denise Lind «au-delà du doute raisonnable» que Bradley Manning avait conscience que ces documents pouvaient finir dans les mains d'al-Qaïda.

Arrêté en Irak en mai 2010, le jeune homme est également poursuivi pour 21 autres chefs d'accusation et de violations du code de justice militaire américain pour lesquels il encourt un total de 154 ans de prison. Ces chefs, relatifs à une «conduite de nature à jeter le discrédit sur les forces armées», comprennent notamment des violations de la loi sur l'espionnage de 1917, des chefs de fraude informatique et de vols.

«Provoquer un débat public»

Au total, Manning a téléchargé à partir de novembre 2009 depuis des ordinateurs militaires quelque 250 000 câbles diplomatiques américains, des dizaines de milliers de rapports militaires sur les guerres en Irak et en Afghanistan, des documents relatifs aux détenus de la prison américaine de Guantanamo à Cuba ainsi qu'une vidéo montrant un hélicoptère d'attaque américain tirant sur des civils en Irak. Ces documents se sont ensuite retrouvés sur l'internet, mis en ligne par WikiLeaks.

La défense, emmenée par un avocat civil, David Coombs, doit ensuite prendre la parole pour sa plaidoirie. Tout au long des audiences préliminaires et du procès entamé début juin, elle a présenté le jeune homme, pris dans un «combat intérieur et privé» sur son identité sexuelle, comme un «humaniste», «naïf et bien intentionné», arrivé «enthousiaste» en Irak qui, face à la conduite de la guerre, a commencé à «batailler intérieurement» .

Bradley Manning, lui, ne s'est pas exprimé au cours du procès. Lors d'une audience préliminaire, il avait lu une longue lettre de justification dans laquelle il affirmait avoir voulu «provoquer un débat».

«Je croyais que la publication (des documents) pourrait provoquer un débat public sur nos forces armées et notre politique étrangère en général», avait-il expliqué à la juge Denise Lind.

Il plaide non coupable pour 12 chefs d'accusation, dont le plus grave de collusion avec l'ennemi. Il plaide partiellement coupable pour neuf autres et coupable pour une infraction mineure de défaut d'obéissance à un ordre, passible de deux ans de prison. Si la juge suit la position de la défense, le jeune soldat passerait alors 20 ans derrière les barreaux.

Avant le réquisitoire et la plaidoirie, la juge Denise Lind doit par ailleurs statuer sur deux motions de la défense demandant l'abandon des charges pour vols en raison selon elle de l'absence de preuves apportées par les procureurs militaires. Des tentatives de la défense que la juge devrait rejeter, comme elle a déjà rejeté la semaine passée sur des motions similaires demandant l'abandon des charges de collusion avec l'ennemi et de fraude informatique.

À l'issue de l'audience, la juge se retirera pour délibérer et devrait rendre son verdict dans les jours à venir. Viendra ensuite la phase de la sentence, c'est-à-dire la peine de prison à laquelle Manning sera condamné le cas échéant et qui débutera le 31 juillet, selon les autorités militaires.